«La conquête du pouvoir» de Marine Le Pen

C’est long, une campagne. Parfois, cela peut même être trop long. Celle de Marine Le Pen commence le 16 janvier 2011 à Tours, à la minute où elle succède à son père Jean-Marie Le Pen pour devenir présidente du Front national, au terme d’une campagne interne, qu’elle aura menée sur le thème de la « dédiabolisation » de son mouvement et qui la voit remporter la victoire sur Bruno Gollnisch, ancien dauphin du président fondateur. Ce jour-là, Marine Le Pen assume d’avoir pour objectif « la conquête du pouvoir ».

Le discours qu’elle prononce devant les militants du Front national est d’un genre nouveau dans le parti d’extrême-droite. Les traditionnelles références à l’immigration et à ses dangers supposés y sont, avec notamment le thème des prières des musulmans dans les rues, mais il n’y a pas que ça. Marine Le Pen se démarque aussi de son père en donnant une tonalité plus sociale à ses paroles. Elle insiste sur la place de l’Etat. Elle évoque même Jaurès ou le général De Gaulle, qui ne comptent pas parmi les références traditionnelles de son courant de pensée.

Dédiabolisation, crédibilisation

Dans un premier temps, ce discours, autant que l’attrait de la nouveauté semblent fonctionner. Marine Le Pen grimpe dans les sondages. Au printemps, plus d’un an avant l’échéance, une étude la donne même en tête des intentions de vote au premier tour. Mais la nouvelle patronne du Front national sait que cela ne sera pas suffisant et elle se lance alors dans une autre entreprise. A la dédiabolisation succède la crédibilisation.

Marine Le Pen veut montrer que le Front national est capable de diriger la France, ce que Jean-Marie Le Pen n’avait jamais envisagé sérieusement. Elle donne une série de conférences de presse sur les sujets économiques, prônant le protectionnisme aux frontières, la sortie de l’euro et des institutions européennes, insistant aussi sur le coût de l’immigration. Le point culminant est atteint pendant l’été alors que la crise grecque menace la stabilité de la monnaie européenne. Comme Nicolas Sarkozy, qui lui est en fonction, Marine Le Pen interrompt ses vacances pour proposer ses solutions.

« Revenir aux fondamentaux »

Entre temps, elle est rentrée dans le rang dans les sondages, plafonnant à 18%, bien au dessus cependant de tous les scores jamais prêtés à son père dans le même type d’enquête, et suffisamment pour rester en embuscade pour l’accession au second tour. Il est vrai qu’à ce moment-là, il est difficile d’exister face à la campagne pour les primaire socialistes et aux signes de Nicolas Sarkozy en faveur d’une candidature à un deuxième mandat.

A l’automne, elle présente son projet, creusant toujours le sillon social, et son équipe dans laquelle on trouve d’anciens chevènementistes, dont – et c’est une nouveauté devant laquelle Jean-Marie Le Pen ne cache pas son scepticisme – un énarque, Florian Philippot. Mais les sondages continuent à plafonner. Bien qu’elle s’en défende vigoureusement, Marine Le Pen va alors « revenir aux fondamentaux » et recentrer son discours sur les thèmes les plus appréciés par son public, en parlant de plus en plus d’immigration. A Perpignan fin janvier, elle salue les harkis et les pieds noirs et annonce qu’elle veut réserver les prestations sociales aux nationaux Français. A Strasbourg mi-février, elle assume de se présenter comme la candidate anti-immigration, source de l’insécurité, du chômage et de la baisse du niveau de vie.

L’actualité va servir ces thèmes avec les fusillades de Toulouse et Montauban. Marine Le Pen tente alors de reprendre la main en expliquant que Mohamed Merah n’aurait jamais été français si le Front national avait été au pouvoir et en faisant le lien entre immigration, délinquance et terrorisme. Le discours se radicalise encore, d’autant que Nicolas Sarkozy est entré en campagne avec un discours très à droite, ne cachant pas son objectif de siphonner les voix du Front national, comme en 2007. Dans les sondages, le président sortant remonte à mesure que Marine Le Pen baisse. Cela ne l’empêche pas d’annoncer une surprise à la mesure de celle du 21 avril 2002, quand son père s’était hissé au second tour de l’élection présidentielle.

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