Après avoir affirmé nettement son refus sur le mariage et l’adoption par les couples homosexuels, l’UMP de Nicolas Sarkozy a choisi de faire bonne mesure, en sanctionnant fermement l'un de ses députés, Christian Vanneste, suite à ses propos hors-cadre concernant les homosexuels.
Auteur d’une lourde charge contre le « lobby gay » en général, et contre la « fameuse légende » de la déportation des homosexuels en particulier, le député nordiste sera purement et simplement exclu lors du prochain bureau politique de l’UMP, qui aura lieu le 22 février prochain. M. Vanneste sera ensuite exclu de son groupe parlementaire, selon Christian Jacob, chef de file des députés de la majorité.
Jean-François Copé, secrétaire général du parti, a par ailleurs annoncé la perte « immédiate » de l’investiture de M. Vanneste aux élections législatives de juin prochain à Tourcoing. L’UMP présentera un autre candidat.
« Il n’y a pas eu de déportation homosexuelle en France »
Dans une vidéo publiée par Christian Vanneste lui-même le 10 février 2012, sur le site Internet de l’Association pour la fondation de service politique (AFSP), l’ancien enseignant en philosophie en lycée professionnel répond à la sollicitation suivante : « Aujourd’hui les lobbys gays semblent monopoliser le débat sur la famille. Comment l’expliquez-vous ? »
Commence alors, citation d’Oscar Wilde à l’appui (« un homosexuel lucide » selon M. Vanneste), une démonstration sur le « narcissisme » et le « refus de l’altérité » comme ressorts intimes à l’homosexualité.
Le passage qui met le feu aux poudres concerne la « fameuse légende de la déportation des homosexuels » en France pendant la Seconde guerre mondiale.
« Manifestement, Himmler avait un compte personnel à régler avec les homosexuels, embraye le député. En Allemagne, il y a eu une répression des homosexuels et la déportation qui a conduit à à peu près 30.000 déportés, et il n’y en a pas eu ailleurs. Et notamment en dehors des trois départements annexés, il n’y a pas eu de déportation homosexuelle en France. On peut même dire, si on veut être méchant, et monsieur Buisson l’a été lorsqu’il a parlé de la sexualité sous l’Occupation, que lorsqu’un certain nombre d’intellectuels français vont présenter leurs hommages à M. Goebbels, il y en a quand-même la moitié qui sont homosexuels. »
Et l’élu nordiste d'évoquer, l'air amusé, le surnom qui leur aurait été affublé à l’époque : les « gestapettes ».
Benoist Apparu : « Il faut le virer ! »
Rapidement, les propos de M. Vanneste ont essuyé une pluie de réactions indignées de tous bords : à droite, à gauche, au centre, sur les réseaux sociaux, dans les médias traditionnels, et même au Front national en la personne de Louis Alliot (numéro 2 du parti et compagnon de Marine Le Pen). La classe politique quasiment unanime dénonce des propos « négationnistes ».
Y compris au sein de la Droite populaire, courant droitier de l'UMP (auquel appartient pourtant M. Vanneste), Thierry Mariani et Eric Ciotti se sont désolidarisés. Tout juste Jacques Myard a-t-il dénoncé, du bout des lèvres, un « lynchage médiatique » disproportionné face à cette « maladresse ».
A l’UMP, Benoîst Apparu semblait résumer l’état d’esprit général du mouvement avant l'annonce de Jean-François Copé : « Il faut le virer de l’UMP », avait lancé le ministre sur Twitter.
Serge Klarsfeld : « Ridicule »
Historiquement, le débat sur l'ampleur de la déportation des homosexuels de France n’est pas clos, faute de témoignages et documents en nombre suffisant. Décédé en 2005, Pierre Seel fut le premier à briser le silence sur sa propre déportation en 1940 à Mulhouse (Alsace).
Pour Serge Klarsfeld, avocat des Juifs déportés de France interrogé ce matin par Nouvelles de France, « il n’y a pas eu de déportation d’homosexuels. (...) Ceux qui soutiennent qu’il y a eu une déportation diront qu’il y en a eu deux ou trois mais en Alsace ! Or, l’Alsace était considérée comme allemande à l’époque ! »
Et de conclure: « Demander (l'exclusion de l’UMP pour M. Vanneste) pour ce motif me paraît tout à fait ridicule ».
62 personnes déportés spécifiquement pour homosexualité
Hussein Bourgi, président du Mémorial de la déportation des homosexuels, a de son côté jugé utile de rappeler, mercredi par communiqué, le cas individuel de trois déportés, depuis Paris et parmi d’autres, dont un jeune homme de 17 ans, mort de tuberculose dans un camp allemand suite à sa déportation.
« La déportation pour motif d’homosexualité depuis la France a été mentionnée par le Premier Ministre Lionel Jospin en 2001 et par le Président jacques Chirac en 2005 à l’occasion du 40e anniversaire de la libération des camps », conclut M. Bourgi.
De son côté, l’historien Mickaël Bertrand a estimé à 62 le nombre de « déportés qui ont été envoyés dans les prisons et les camps allemands en raison de leur homosexualité », ainsi que le rapporte Libération. Mais il précise, pour insister sur la complexité de la question : « Cela ne signifie pas pour autant que des centaines d’homosexuels français n’ont pas été déportés en tant que juifs, communistes et/ou résistants ».*
Affaire à suivre
Christian Vanneste, qui a maintenu ses propos ce mercredi suite à la déclaration de M. Copé, avait déjà été poursuivi en correctionnelle en 2005, pour avoir jugé l’homosexualité « inférieure à l’hétérosexualité ». Condamné en première instance et en appel pour injures homophobes, la Cour de cassation l'avait blanchi fin 2008, jugeant que ses propos ne dépassaient pas « les limites de la liberté d’expression ».
M. Bourgi a indiqué que le MDH se gardait la possibilité d'engager un recours judiciaire suite aux propos du futur ex-député de la droite populaire.