«Le Havre» d'Aki Kaurismäki : le meilleur film français de l'année sort en salles

Le Havre, élu meilleur film français de l’année par le prix Louis-Delluc, est un hymne à la solidarité. Le Finlandais Aki Kaurismäki honore la ville française avec une œuvre de haute volée. Le film qui sort ce 21 décembre en salles, prend la tragédie des réfugiés à bras-le-corps et en fait une histoire universelle. Une symphonie avec les couleurs lumineuses du Nord, une musique qui parle aux tripes et des acteurs à tomber par terre. Du très grand cinéma.

Marcel est un homme très cultivé et cireur de chaussures dans les rues du Havre. Au bar, il commande une omelette avec un seul œuf. Dans une autre vie il était bohémien à Paris, avec quelques succès artistiques. Depuis qu’il a échoué au Havre, il préfère s’asseoir à côté de sa petite mallette et sa chaise pliante et polir des chaussures. «Il y a des meilleurs métiers, mais celui est plus près du peuple.»

Un jour, un jeune Gabonais a besoin de lui. Sa famille a fui dans un container son pays natal et a échoué par hasard au port du Havre. Idrissa est le seul membre de sa famille qui échappe à la police. Marcel le croise et l’aide. Simplement.

Le film œuvre avec des plans absolus sur un paysage sauvage, entre mer et terre. Il est d’une fluidité telle qu’on se croirait sur un bateau - qui navigue sur un océan d’images et de solidarité. Pendant que la police cherche le réfugié, les amis de Marcel l'aident comme ils le peuvent. Ils sont tous pauvres, mais ils bougent des montagnes, pardon, affrètent un bateau pour conduire Idrissa vers sa destination finale. C’est à Londres que sa mère a clandestinement refait sa vie.

Monet, un inspecteur Colombo à la française

Et il y a le très cultivé inspecteur Monet, un inspecteur Columbo à la française, merveilleusement interprété par Jean-Pierre Darroussin. Il se laisse également embarquer à bord de ce paquebot populaire et humaniste. André Wilms joue le personnage de Marcel avec une finesse et d’une beauté de cœur sidérante. Sa bien-aimée Arletty incarne une âme fragile et sensible, subtilement incarné par Kati Outinen. Leur nom commun : Marx. Ca ne s’invente pas. 

Avec les « containers de réfugiés » et la jungle de Calais, Kaurismäki décrit une situation actuelle, mais il fait appel aux valeurs de la vieille France. Tous les prénoms comme le décor sont issus des années 1950. Surgit alors une France où l’on ne s’arrange pas pour avoir sa promotion personnelle, mais pour aider son semblable, où l’on trinque au zinc et ne traque pas les autres, où la première question posée à un étranger est : «As-tu faim ?».

Les dialogues sont ciselés comme au théâtre. Des mots simples qui reflètent la poésie de leurs actes. Kaurismäki navigue dans l’éphémère éternel : gestes, musique, humour, couleurs : bleu, vert, rouge et le jaune qui enlace les chansons de la tragédienne Damia (« Quand le soleil se lève » !). Le jaune de l’espoir ! Les fleurs sur la table, la robe d’été à l’hôpital, le manteau de pluie du pêcheur qui prend le large avec le petit Idrissa. Le Havre d’Aki Kaurismäki n’ouvre pas une fenêtre, mais un horizon !
 

 

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