Le travail mené par l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) révèle qu’un travailleur sur cinq souffre par exemple de dépression ou d’anxiété et que, pour bon nombre d’entre eux, il s’avère difficile d’en guérir. Cette proportion importante suffit à démontrer que le risque est réel pour chacun d’entre nous d’être touché à un moment donné.
Précarité et stress
L’organisation a collecté ces données auprès de ses 34 membres, des pays pour la plupart très industrialisés, mais aussi certains émergents comme le Chili, la Turquie ou le Mexique. Pour elle, les troubles mentaux ne surgissent pas de nulle part. « La précarité croissante des emplois et l’augmentation actuelle des pressions au travail pourraient entraîner une aggravation des problèmes de santé mentale dans les années à venir » avertit l’OCDE, tout en qualifiant la santé mentale de « nouveau défi pour le marché du travail ».
Si le langage populaire affirme que « le travail c’est la santé », l’OCDE nuance quelque peu le dicton en constatant que « des emplois de mauvaise qualité peuvent être néfastes ». Or, reprend le rapport, les personnes souffrant de troubles mentaux sont plus susceptibles que les autres d’occuper un emploi qui cadre mal avec leurs compétences. De même, elles ont une plus grande probabilité d’exercer un emploi peu qualifié (travail administratif, emplois des services et de la vente, petits métiers) ». Et ce sont justement ces emplois qui sont les plus susceptibles de générer « une situation de stress professionnel malsain, qui est un facteur reconnu de mauvaise santé mentale », souligne l’OCDE.
Un coût de 3 à 4% du PIB de l’Union européenne
Tensions et stress au travail ont concerné de plus de plus de travailleurs dans l’ensemble des pays de l’OCDE au cours de la dernière décennie. Car, il est important de le souligner, la plupart des personnes présentant un trouble mental (entre 55 et 70%) travaillent tout en étant beaucoup plus susceptibles que les autres de se retrouver au chômage ou en arrêt maladie. « Toutefois, notent les auteurs du rapport, de nombreux travailleurs atteints de troubles mentaux ne prennent pas de congé pour maladie, mais continuent de travailler en étant moins efficaces ».
De par leur ampleur, ces pertes de productivité soulignent « l’importance de mener des actions de dépistage, de suivi et de gestion des maladies ». Faute de quoi, le coût de ces atteintes, trop souvent ignorées, finit par peser très lourd dans les finances publiques. Selon une estimation, jugée prudente, de l’Organisation internationale du travail, « les coûts d’une mauvaise santé mentale […] représentent 3 à 4% du produit intérieur brut dans l’Union européenne ».
Une prise en charge précoce des troubles mentaux et leur traitement constituent pour l’OCDE l'une des clés pour améliorer la situation. Mais on est encore loin du compte quand ont constate que, d’après les données relevées dans les pays de l’OCDE, « près de 50% des personnes atteintes de troubles mentaux graves et 70% de celles qui présentent un trouble modéré ne bénéficient d’aucun traitement de leur pathologie ».
Peu et mal traités
Les malades sont donc peu traités et lorsqu'ils le sont, remarque encore l’OCDE « le traitement administré n’est souvent pas conforme aux exigences minimales des recommandations cliniques ». Cela tient au fait, poursuit le rapport, « qu’environ la moitié des patients atteints d’un trouble mental grave et approximativement les deux tiers de ceux qui présentent un trouble modéré ne sont pas traités par un spécialiste (la majorité est suivie par un généraliste) ».
C'est une situation alarmante pour l’organisation qui ajoute que, dans la période de récession actuelle, le risque de perdre son emploi est majoré. Or, « la perte de l’emploi, établit l’étude, aggrave la détresse psychologique plus que n’importe quel événement de la vie, comme un accident ou la perte d’un conjoint ».
Et actuellement, le sentiment d’insécurité lié au risque de perte d’emploi touche de plus en plus de travailleurs : de 14% en 2005, cette crainte est passée à 17% en 2010 alors que chez les employés temporaires elle situe entre 21 et 40%.