Louis Renault est le fondateur avec ses deux frères en 1898 de la célèbre usine automobile Renault implantée en région parisienne à Boulogne-Billancourt. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l'ordonnance de 1945 prise par le gouvernement provisoire a transformé Renault en régie nationale. Pendant toutes ces années de guerre, cette usine a donc founi des avions, des moteurs automobiles et des véhicules à l'occupant, l'Allemagne.
Aujourd'hui 66 ans plus tard, sept petits enfants ouvrent à nouveau une page très douloureuse et controversée de la famille accusée de collaboration. Ils assignent l'Etat en justice devant le tribunal de grande instance de Paris et demandent réparation pour une décision vécue comme une sanction. Une démarche juridique compliquée mais rendue possible depuis la mise en place d'une question prioritaire de constitutionnalité.
Outre l'Etat qu'ils attaquent, les héritiers ont face à eux la fédération d'anciens déportés et la CGT-Métallurgie, qui protestent contre cette volonté de réhabilitation de Louis Renault. « Les usines ont tourné à plein régime au profit de l'armée allemande », a déclaré maître Jean-Paul Teissonnière l'avocat de la CGT. Ce n'est pas un procès en réhabilitation mais un procès en indemnisation qui porte sur une question de droit, a expliqué Me Thierry Lévy l'avocat des héritiers : « à savoir si on pouvait nationaliser sans indemniser », a-t-il affirmé.
Une question complexe au regard du droit et de l’histoire
Mais avant que le fond ne soit abordé plusieurs questions juridiques devront être examinées. Dans un premier temps, le tribunal de grande instance de Paris choisira de transmettre ou non la question prioritaire de la famille à la Cour de cassation, à charge ensuite pour elle d'en saisir par la suite le Conseil constitutionnel. Dans un deuxième temps le tribunal de grande instance qui devrait mettre sa décision en délibéré, devra dire s'il s'estime compétent pour s'emparer du dossier.
Le comportement de Renault crée aussi des interrogations du côté des historiens. « Avec quel degré d'enthousiasme ou de contrainte, Renault a-t-il travaillé pour l'économie de guerre allemande ? » Cela reste à étudier, estime l'historien Henry Rousso. De son côté, Denis Peschanki, également historien, note que « Peugeot et Michelin, d'autres entreprises qui ont aussi travaillé pour l'Allemagne, ont eux noué des contacts avec les Alliés et la Résistance intérieure à partir de 1942, et mis en place un sabotage de leurs usines ce que n'a absolument pas fait Renault ».