Radu Mihaileanu laisse couler «La Source des femmes»

Après l'énorme succès de son dernier film Le Concert (2009) qui avait séduit près de 1,9 million de spectateurs, le réalisateur franco-roumain Radu Mihaileanu sort ce 2 novembre une fable. La Source des femmes raconte l’aventure collective de « la grève de l’amour » des femmes dans un petit village marocain. Une action destinée à forcer les hommes au lieu des femmes à prendre le chemin difficile et dangereux pour acheminer l’eau vers le village et d’aller ainsi contre la tradition et la religion prêchée depuis des millénaires.

« Un conte ou une vérité ? » L’épitaphe et une musique orientale entretiennent au début notre soif d’aller à La Source des femmes. Les femmes y remplissent leurs seaux qu’elles portent, attelées comme de bœufs, sur leurs épaules. Avec beaucoup de mal elles gravissent la colline, une femme trébuche… et perd son bébé.

C’est cette scène forte qui donne au film sa raison d’être. Le désarroi sera transformé en espoir et en révolution « tranquille ». Les femmes décident de proclamer « la grève de l’amour » pour couper court aux traditions qui ne font plus de sens et provoquent des fausses couches. Chacune d’entre elles a déjà connu ce drame. C’est dit au hammam, un endroit bien à elles. Radu Mihaileanu ne montre pas une histoire en noir et blanc, ils sondent les espaces de libertés des femmes dans ce village isolé : l’oued où elles lavent le linge, une cachette où elles peuvent se retrancher, les chansons tragicomiques où elles peuvent dire leurs quatre vérités et leurs rêves qui sont nourries des séries télévisées.  

Un récit bien ficelé

Comme avec son énorme succès Le Concert, le réalisateur a très bien ficelé son récit. Lui-même est juif, mais a transposé son film dans un contexte musulman. Il est né Roumain et aujourd’hui Français, mais il a tourné en darija, le dialectal marocain, pour éviter que les personnages parlent la langue d’anciens colonisateurs. Il imbrique des histoires individuelles des femmes dans le destin collectif du village et le contexte de la religion. Les propos de l’histoire sont radicaux : une femme qui lit et interprète le Coran, un homme qui bat sa femme, la fille étrangère qui n’est plus vierge et réussit un mariage d’amour avec un autre, un imam qui s’incline devant la pensée d’une femme.

La puissance romanesque et les images colorées des villageoises pleines de vie nous charment. A la lutte juste des femmes, on adhère tout de suite et on ne lâche plus, et c’est bien ça le problème. Bien sûr, dans la tradition orientale, on ne dit pas les choses frontalement, mais dans le film les angles sont trop arrondis et affaiblissent les confrontations et la lutte que les femmes mènent à l’intérieur. Le jeu de Leila (Leila Bekhti) comme meneuse des femmes et de Loubna (Hafsia Herzi) qui rêve comme Esmeralda de l’amour innocente en périt. Seule Vieux Fusil (Biyouna), la juge de paix du village, arrive à tirer son épingle du jeu. Le cheminement intérieur des femmes ne se mérite pas, il est offert sur un plateau aux spectateurs. La Source des femmes s’écoule trop gentiment. Les pierres qui barrent la route s’écartent sans effort. A la fin, la sécheresse des cœurs est finie, l’eau revient au village, mais la source cinématographique s’est tarie.
 

 

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