Catastrophe d’AZF : dix ans après, ce qui a changé

Les sirènes de la ville de Toulouse ont retenti ce matin, à 10h17, réveillant des souvenirs douloureux dans la population toulousaine. Le 21 septembre 2001, l’explosion de l’usine AZF, entendue dans un rayon de 80 km, a coûté la vie à 31 personnes, en a blessé plus de deux milliers, et a causé d’énormes dégâts matériels. Dans la foulée de cet évènement, une loi et de nombreuses mesures ont été adoptées afin de parer, à l’avenir, à des risques d’une telle envergure.

C’est la catastrophe industrielle la plus grave que la France a connu depuis la Seconde Guerre mondiale. Toutes les vitres des bâtiments et habitations ont été soufflées dans un rayon de trois kilomètres. Le bilan humain de l’explosion s’élève à 31 morts et plus de 20 000 blessés. La secousse provoquée équivaut à un séisme de 3,4 sur l’échelle de Richter. Il ne reste plus rien de l’usine AZF de fabrication de produits chimiques.

La cause de ce drame : deux produits – du nitrate d'ammonium et un produit chloré (DCCNa), tous deux fabriqués sur le site – se sont retrouvés accidentellement en contact. Du trichlorure d'azote s'est alors formé. 300 tonnes ont explosé spontanément, produisant une déflagration équivalente à celle de 100 tonnes de TNT.

Qu’est-ce qu’un site Seveso ?

Seveso signifie que l’usine classée comme telle est soumise à des règles de sécurité spécifiques. Ces dernières varient suivant le degré de dangerosité du site. Sont des établissements Seveso les sites dans lesquels sont présentes des substances dangereuses dans des quantités supérieures à celles indiquées dans l'annexe 1 de la directive « Seveso 2 ».

Cette directive fixe deux seuils différents pour chaque substance chimique, permettant de distinguer deux régimes d'établissements différents : les établissements Seveso « seuil bas » et les Seveso « seuil haut », d'autre part, qui présentent les risques d'accidents majeurs les plus élevés. D’autre part, cette directive impose aux industriels d’évaluer les risques de leurs installations et de les réduire par des mesures techniques opérationnelles. Le site AZF de Toulouse était classé Seveso 2, « seuil haut ».

AZF respectait-elle les obligations de sécurité ?

Ce site de fabrication était soumis aux exigences de la directive Seveso 2 relative à la prévention des accidents majeurs. L’AZF était située à cinq kilomètres du centre de Toulouse, dans le sud-ouest de la France, et employait environ 500 personnes sur un terrain d’environ 70 hectares. Selon Grande Paroisse, la société propriétaire de l’ancienne usine, « le site de Toulouse allait au-delà des exigences réglementaires. »
 
Combien de sites dangereux en France ?

Aujourd’hui, 1 200 sites sont considérés à risque majeur (explosion, incendies, émanation de gaz toxiques, fuites chimiques ou radiologiques…). 686 d’entre eux sont classés en « seuil haut ». A cause, tout d’abord, de la distance trop courte entre la zone d’implantation du site et des zones habitées. Ensuite parce qu’un nombre important de substances dangereuses y est entreposé et traité. Selon l’association écologique France Nature Environnement, 900 communes et « six millions de Français restent sous la menace » des sites à haut risque.

Les mesures prises

Prenant en compte les causes et les conséquences de la catastrophe, une nouvelle loi a été adoptée le 30 juillet 2003. Les nouveautés apportées par la loi sont de quatre ordre : plus d’information locale pour les élus et les riverains des sites ; davantage d’évaluation des dangers par des études de terrains ; un renforcement général de la sécurité pour le personnel qui bénéficie de séances de formations supplémentaires sur les produits qu’ils manipulent ; enfin, un volet indemnisation : les victimes de catastrophes technologiques, qui peuvent dorénavant être décrétées comme les catastrophes naturelles, se verront mieux et plus rapidement indemnisées.

Le pendant direct et plus controversé de ce dernier volet « financier », c’est la mise en place de plans de prévention des risques technologiques. Ceux-ci prévoient, sur le modèle des plans de prévention des risques naturels, des programmes d'expropriation ou des obligations de travaux pour les riverains.

Dix ans après, quelles avancées ?

« Même si le risque zéro n’existe pas, nous devons néanmoins tout faire pour le réduire au maximum, a prévenu Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’Ecologie. Qualité de la conception des installations, de leur maintenance et e leur surveillance, maîtrise de l’urbanisation… La sécurité est un défi qu’il nous faut relever au quotidien. »

Selon Le Figaro, en huit ans, les industriels ont investi « des montants annuels de 250 à 300 milliards d’euros » pour diminuer les zones exposées d’environ 350 km². 1 500 contrôles ont été effectués par des inspecteurs plus spécialement chargés. L’effectif des équipes de la Direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (Drire) a augmenté de 40%.

Cependant, France Nature Environnement constate avec amertume que les progrès sont très loin d’aboutir. « Depuis AZF, sur le terrain, rien n'a changé », regrette le porte-parole de FNE, Benoît Hartmann. Le dispositif de la loi Bachelot de 2003 « nous paraît bien, à condition qu'il soit mis en œuvre. »

« Le bilan est loin d’être satisfaisant en matière de prévention des risques. Si les leçons d’AZF ont été tirées, leur traduction dans les faits se fait attendre et la situation est loin d’être réglée. L’action des pouvoirs publics et les efforts menés par les industriels pour prévenir un nouvel accident majeur ne sont pas à la hauteur », dénonce l’association sur son site internet.

Et de lister ce qui fait aujourd'hui défaut. Sur les 420 plans de prévention des risques technologiques prévus par la loi de 2003, seulement 100 ont été approuvés. D’autre part, « la protection absolue souhaitée en 2001 est aujourd’hui toute relative puisque le monde industriel rechigne à investir dans la sécurité et négocie une sécurité au rabais »,déplore FNE.

Enfin, et ce n’est pas la moindre des polémiques soulevées par cette affaire, la loi de finances 2011 impose aux riverains de sites classés une mise aux normes draconienne de leur logement.

Ils se voient contraints de financer 70% des travaux pour protéger leur habitation des risques d’incendie, d’explosion ou de nuage toxique. Le montant de ces travaux représente en moyenne plus de 10 000 € par foyer. Entre 20 000 et 30 000 d’entre eux sont encore concernés. A côté, la loi prévoit l’expropriation de milliers de riverains. Les tractations entre l’Etat et les industriels, réticents à en supporter la charge financière, sont loin d’être réglées.

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