Rendre hommage au passé pour mieux se tourner vers l’avenir, telle était le sens de la démarche de Nicolas Sarkozy en se rendant dans le Cantal à Montboudif, le village natal de Georges Pompidou, président de la République de 1969 à 1974, dont on célébrait le centenaire de la naissance ce mardi 5 juillet 2011. Cette forme de nostalgie conjuguée au futur, le locataire de l’Elysée l’avait déjà affichée le 9 novembre 2010 lorsqu’il s’était rendu à Colombey-les-Deux-Eglises dans le cadre de la commémoration du 40e anniversaire de la disparition du général de Gaulle.
Tradition et modernité
« A aucun moment le général de Gaulle n'est resté prisonnier du passé », avait alors souligné Nicolas Sarkozy. « Cet homme qui a incarné les grandes permanences de notre histoire a été constamment tourné vers l'avenir », avait-il poursuivi. Sept mois plus tard, son hommage à celui qui fut le Premier ministre du président de Gaulle durant six ans (un « record » qui tient toujours), puisait sensiblement aux mêmes sources. « Évoquer la figure de Georges Pompidou, c’est évoquer la plus pure tradition française mise au service de la plus grande modernité. C’est nous rappeler qu’au fond, la seule mission de la politique, aujourd’hui encore, c’est de jeter un pont entre la France d’hier et celle de demain ».
Successeur de de Gaulle à l’Elysée en 1969, Georges Pompidou hérita d’un pays à la fois porté par une expansion économique sans précédent (5% de croissance) et miné par le climat social conflictuel de l’après-mai 68. Doté d’une personnalité qualifiée de « complexe » par de Gaulle lui-même dans ses Mémoires, le normalien agrégé de grammaire et épris d’art contemporain incarnait, à sa façon, cette France de la fin des « trente glorieuses » écartelée entre tradition et modernité, passée en trois décennies de la ruralité séculaire à l’urbanisme débridé, toujours désireuse de jouer sa propre partition sur l’échiquier mondial.
Quarante ans après, et avant que Nicolas Sarkozy ne vante ses mérites à l’occasion du centenaire, l’héritage pompidolien se résumait encore pour beaucoup de Français au Centre Pompidou du quartier Beaubourg à Paris, à la voie-express parisienne du même nom et au lancement de grands projets industriels (le TGV, le nucléaire et Airbus). Secrétaire général de l’Elysée de 1973 à 1974 et lui-même candidat à l’élection présidentielle en 1995, avec le soutien de Nicolas Sarkozy, Edouard Balladur – l’homme politique encore en exercice qui fut le plus proche de Pompidou – n’a pas tari d’éloge sur celui qui reste son modèle.
Un président normal
« On présente trop souvent Georges Pompidou comme uniquement préoccupé par la croissance économique alors qu’il fut aussi le premier en France, et sans doute en Europe, à créer un ministère de l'Environnement », a rappelé Edouard Balladur dans un entretien accordé à l’Agence France Presse. « A ses yeux, a repris l’ex-Premier ministre de la deuxième cohabitation, si la France devenait un grand pays industriel, elle ne devait pas y parvenir au prix de son bien-être, de son environnement, de la culture, de son paysage, de ses traditions ».
Les pourfendeurs de la « France moche » y trouveront sans doute à redire mais, trente-sept ans après sa disparition le 2 avril 1974, Georges Pompidou trouve même des partisans dans le camp opposé à celui de MM Sarkozy et Balladur. « Succédant à de Gaulle, Pompidou voulait se mettre dans une présidence normale, active, soucieux d’être proche des Français et moderne », déclarait à son sujet le candidat à la primaire socialiste, François Hollande, en mai dernier, dans une tirade autant destinée à fustiger l’actuel locataire de l’Elysée qu’à louer son lointain prédécesseur. Depuis, François Hollande a été qualifié de « Pompidou de gauche » par certains éditorialistes et même encouragé dans sa course à l’Elysée par l'ex-président Jacques Chirac, lui-même ministre de Georges Pompidou de 1971 à 1974. C’est sans doute ce que l’on appelle un pied de nez de l’Histoire.