« Pater » d'Alain Cavalier, atypique à volonté et d’une liberté totale

Après un accueil enthousiaste au Festival de Cannes, l’ovni cinématographique d’Alain Cavalier sort ce mercredi 22 juin en salles. Comment nommer Pater ? Un film ? Pas sûr. Une leçon de cinéma ? Certainement. Le maestro Alain Cavalier a tourné pendant un an dans une chambre d’hôtel à Paris. Les rôles titres sont assurés par le réalisateur lui-même et Vincent Lindon. Le but : inventer une vie et la construire sur le tas, sans aucune équipe de tournage. Résultat : une œuvre cent pour cent française.

La première scène commence dans le noir total. Deux voix parlent cuisine, vaisselle, vide grenier. Ensuite suivent 105 minutes de fantasmes couchés à l’écran. Ils ont commencé un lundi de pâques (c’est dit dans le film), prémonitoire pour la folie qui suit. 

Les deux acteurs, Alain Cavalier et Vincent Lindon, jouent père et fils et s’inventent à table des rôles : le premier sera président de la République, le deuxième son Premier ministre. Complètement surréalistes, mais, bizarrement, les improvisations trouvent leurs repères dans l’actualité politique et s’incrustent ainsi dans la tête des spectateurs. Avec cinq fois rien, ils ouvrent la campagne présidentielle 2012 à leur manière et lancent des diatribes pas possibles et tout à fait réalistes. Tout est complètement improvisé… et souvent drôle. Par exemple quand Cavalier demande à Lindon d’ouvrir une bouteille de vin. Il regarde le mouvement des bras de l’ouvre-bouteille et s’exclame : « Ah, comme de Gaulle qui lève les bras et dit : ' Je vous ai compris ' ».

Un ragot cinématographique sur la politique française
 

Il nous submerge avec un flot d’aphorismes (« Je me porte très bien, mieux que le pays »), des lieux communs (« Les jeunes veulent du pognon ») et un programme politique populiste : obligation de rendre la Légion d’honneur si on quitte le pays pour ne plus payer des impôts, création d’une loi pour limiter la rémunération des PDG à 15 fois du salaire de son salarié de base. Et bien sûr, ils s’obligent d’aller à l’encontre du peuple et tombent sur un boulanger qui nous montre la baguette qui chante et son petit coin à côté du four où il fait sa sieste « farine ». Un ragot cinématographique sur la politique française qui lasse parfois.

Le résultat est surtout destiné aux initiés de la vie politique française. L’ovni avance tranquillement et colle magiquement aux affaires actuelles et attendues lors de la présidentielle 2012. Est-ce prémonitoire, quand ils jouent aux jeux de grattage pour gagner de l’argent ou quand ils s'excitent d’être en possession d’une photo compromettante de l’adversaire politique ?

« Tout est faux, c’est du cinéma », explique Cavalier à Lindon qui lui rétorque : « Non, c’est vrai puisque c’est du cinéma ! » Jusqu’à la dernière séquence, la comédie-docu-fiction reste atypique à volonté et d’une liberté totale.
 

 

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