Un homme, torse nu, saxophone autour du cou et micro dans la main, apparaît sur scène et déclare : « C’est simple, on mène une guerre. Une guerre importante. On ne se bat pas avec des armes, mais pour des gens à Lagos. » Nous sommes à Paris et dès la première image, le ton est donné par Femi Kuti: « Nos leaders envoient leur progéniture dans les meilleurs écoles de l’Europe » proclame le musicien et dénonce ouvertement ces corrompus qui « gardent le meilleur pour eux » provoquant ainsi cette situation catastrophique où « les enfants meurent par millions de la malaria, de maladies. »
L'héritage familial de Femi Kuti
La lutte, l’engagement, l’héritage, la justice. Voilà les ingrédients annoncés de ce premier film de Thomas Bataille. Hélas, le documentaire ne tient pas ses promesses. L’engagement politique de Femi, né en 1962, est montré d’une manière superficielle et les images nous laissent sur notre faim. Pratiquement tout ce qu’on apprend sur l’héritage familial de Femi Kuti vient des intertitres. On lit qu’il est le fils ainé du grand chanteur Fela, le fondateur de l’Afrobeat, ce mélange de jazz, de funk et de musique traditionnelle du Nigéria et du Congo. Que Fela a été emprisonné à cause de ses activités politiques et qu'un million de Nigérians ont défilé après sa mort due au Sida en 1997. Par un intertitre on apprend aussi que Femi est le petit-fils de Funmilayo, une grande combattante pour les droits des femmes qui a été défenestrée lors de l’attaque de la maison Kuti par l’armée en 1977.
Le réalisateur français suit le chemin de croix du musicien Femi en 2006, qui se retrouve sans maison de disque. Il n’a pas d’argent, mais la rage pour agir. Day by day est le titre de l’album à créer et reflète également ce cheminement aussi bien intérieur qu’extérieur vers cet espoir qui nous guide quand les temps sont difficiles.
3 jours pour écrire l'Histoire
Avec son groupe Positive Force de Lagos, Femi arrive dans un studio d’enregistrement à Paris, l’ambiance est tendue et les visages sont graves. Entre la table de mixage, quelques refrains et griffes de guitare, il y a une phrase qui tombe : « On a trois jours pour écrire l’Histoire ». Des serviettes autour du cou et poussés par les cuivres, les musiciens se laissent aller pour la bonne cause : pendant trois jours et nuits d’affilés ils enregistrent 17 titres : « Let’s make history ». Ils ne savent pas encore, que c’est juste le début d’une production qui durera deux ans ! La véritable histoire du film est ce processus énigmatique d’une production musicale qui fait rajouter des voix, des guitares, des chœurs, des canons, des improvisations pour trouver le son juste – à mi-chemin entre l’Occident et l’Afrique.
Malgré un enchaînement chronologique de séquences et un scénario prévisible, il y a des scènes intenses et généreuses. Par exemple quand le producteur explique la cuisine intérieure des enregistrements, quand le guitariste fait dériver le morceau dans une direction que Femi n’avait pas envie d’entendre. Ou quand Femi insiste pour ralentir toujours plus le titre : « Aussi lent que possible. Ce sera plus beau. »
Ou cet échange philosophique inattendu entre le producteur qui déclare : « On doit entendre la souffrance. Si je prends des professionnels, ce sera trop lisse » et Femi qui réplique : « Détrompe-toi. Ceux qui souffrent, ignorent leur souffrance. Ils ne peuvent pas la chanter, ils ne la perçoivent pas. C’est ça, le Nigéria. Les Anglais, les Européens savent qu’on souffre. »
Aucune des grandes maisons de disque n’a voulu prendre le CD sous contrat. Malgré cela, l’obstination de Femi Kuti a finalement été récompensée avec une nomination du disque aux prestigieux Grammy Awards 2010.