Il y a encore quelques années, il fallait frapper trois fois à la porte de François Weyergans pour pouvoir entrer dans son appartement. Une habitude de l'époque où il y avait plus de créanciers que de journalistes qui frappaient à sa porte. Peu après son prix Goncourt en 2005, il avait déménagé dans un appartement à côté des Halles, au cœur de Paris, et l’ex-écrivain fauché était ravi de diviser ses factures de taxi par cinq.
Un auteur francophone
Aujourd’hui, le souci des impayés, c’est du passé, et le futur, c’est l’immortalité sous la Coupole. Quelle satisfaction d’entrer à l’Académie française pour ce fils d’écrivain, né d’un père belge et d’une mère française le 2 août 1941 à Etterbeek, près de Bruxelles, en Belgique. Au-delà de la littérature, François Weyergans est adepte du triptyque culturel belge : cinéma, danse, bande dessinée. Ce passionné de Tintin et de Godard avait commencé sa carrière en tant que cinéaste avec un premier film sur le chorégraphe Maurice Béjart en 1961. Et avant d’être un romancier franco-belge, il reste un auteur francophone. Quant à la langue française, il persiste et signe que ce sont les Belges qui ont écrit les meilleurs livres de grammaire, dont il se réclame être un fervent admirateur. L’œuvre de François Weyergans n’a jamais fait l’unanimité et comporte une petite liste de douze romans, presque toujours couronnés de prix littéraires et souvent avec des personnages qui lui ressemblent.
Après son début littéraire Salomé, paru pendant la révolution de 1968, c’est surtout le prix Roger Nimier pour le très sarcastique livre Le Pitre en 1973 qui l'a fait connaître dans le monde littéraire. La Démence du boxeur lui a valu le prestigieux le Renaudot en 1992 avant d’obtenir le Grand Prix de la langue française pour Franz et François en 1997 et le très prisé Goncourt en 2005. Avec Trois jours chez ma mère, il nous avait déjà familiarisés avec l’éternité. Plusieurs fois, il avait annoncé la parution de son roman, avant de repousser chaque fois la sortie à l’infini. Après avoir, pendant cinq ans, mené en bateau son éditeur et ses lecteurs, et après avoir traversé, selon ses propres dires, des « états subdépressifs », il présente enfin un roman d’une simplicité désarmante et double ainsi sur la dernière ligne droite le grand favori Michel Houellebecq.
Une histoire d'amour
A bientôt 70 ans et au zénith de sa carrière, François Weyergans, l’heureux élu, reste un accro de sa boîte mail et un noctambule avéré. Cela tombe bien, le discours à l’Académie française est à 15 heures. Weyergans avait déjà annoncé qu'il se ferait un plaisir de transformer l’éloge de son prédécesseur au fauteuil 32, Maurice Rheims, en un discours amusant sur un personnage de fiction. Il a l’intention de se servir de son épée d’académicien aussi pour des causes justes et politiques. Dans son comité de l’épée, il fait la part belle aux dissidents chinois Ai Weiwei et Chen Guangcheng et au cinéaste iranien Jafar Panahi. Côté littérature, il a promis une nouvelle œuvre pour 2012 qui s’annonce radieuse : « Mon nouveau roman est une histoire d’amour. »