« J'ai réuni des pierres dans les ruines de maisons détruites, explique l’artiste Michal Rovner. Ces pierres viennent de périodes différentes et de lieux différents. Ce sont de vraies pierres de vraies maisons où les gens ont habité longtemps en proie aux tensions et à la violence. Je voulais donc construire une pierre: la sculpture dans une époque et un lieu déterminés pour faire le contrepoint avec ces pierres venues d'autres périodes et lieux. Et j'ai voulu réaliser ce travail avec une équipe composée d'israéliens et de palestiniens. »
Une archéologie du présent
Comment expliquer ce travail ? Marie-Laure Bernadac est la commissaire de l’exposition Histoires au musée du Louvre : « Toutes ces pierres de maisons détruites, elle les a rassemblées pour les faire reconstruire au Louvre. Donc, à la manière d’une archéologie du présent, on ramasse des vestiges de ruines. Elle les a fait venir pour les reconstruire avec une équipe de maçons israéliens et palestiniens. Cela fait vraiment partie du travail, puisque pour elle, cette collaboration pacifique, cette construction artistique, cette construction si réelle d’une maison, d’un Makom [« espace » en hébreu], d’un espace fait avec toutes ces pierres qui sont des symboles de ruines et destructions, mais qui – reconstruites- sont évidemment un symbole d’espoir, fait partie de son processus de travail. »
La réalité israélo-palestinienne à travers la construction
Ces édifices sont construits par des maçons d’origines et de confessions différentes avec des pierres collectées dans les décombres des maisons de Jaffa, Gaza, Jérusalem, Bethléem. « Je travaille avec une artiste israélienne par l'intermédiaire d'une entreprise israélienne avec laquelle je collabore depuis plusieurs années, explique ce maçon arabe palestinien qui participe au projet. L'artiste exprime son point de vue au sujet de la réalité israélo-palestinienne à travers la construction. Elle parle ainsi de notre vécu et de notre vie. Aucun Israélien ne peut nier les crimes de l'occupation. La vie des Palestiniens est amère. Nos maisons sont détruites, anéanties par la progression de la colonisation. C'est un travail coûteux que de reconstruire ainsi cette sculpture ici au Louvre avec ces pierres récoltées dans les ruines de nos maisons. C'est une œuvre empreinte d'un message qui pourrait atteindre ou pas le public. En tout cas, Dieu merci, il y a des personnes qui sont soucieuses de préserver de la sorte ce patrimoine de notre civilisation. On ne peut pas nier que ce sont des pierres palestiniennes. L'artiste israélienne l'a d'ailleurs écrit sur son installation. »
Je suis un maçon juif palestinien
Un travail complexe sur les thèmes de l’archéologie, de la mémoire et du territoire. « Vous savez, je suis aussi palestinien, souligne ce maçon juif palestinien qui collabore également à l’œuvre de Michal Rovner. Je suis né en Palestine mais je suis juif. Donc je suis un juif palestinien, c'est mon identité. Cette sculpture, nous l'avons construite il y a 4 ans. C'était à New York. Et l'autre, nous y avons travaillé l'année dernière. Les pierres blanches viennent de toute la Cisjordanie, Jérusalem, Haïfa, la Galilée. Ces autres pierres viennent de la région du Golan. »
Michal Rovner :Histoires, jusqu'au 15 août au Musée du Louvre.