Le fait divers de la tuerie de Nantes s’étalait en Une des journaux. Les informations, parfois sordides, tombaient régulièrement à la télévision. Le 21 avril, les enquêteurs avaient découvert les cinq corps d'Agnès Dupont de Ligonnès et de ses quatre enfants tués par balle enroulés dans de la chaux sous la terrasse de la maison familiale. Christophe La Vérité, comme il se prénomme sur sa page Facebook, voulait en savoir plus, de vérité... En tout cas, « plus que ce qu’on annonçait à la Une des journaux de 20h », dit-il. Avec ses 25 ans et fort de son expérience dans le domaine de l’internet, il s’est d’abord intéressé aux activités du père sur la Toile. « Les sites qu’ils possédaient étaient intéressants au sens qu’ils étaient complètement obsolètes, ils semblaient dater des années 90. » Pour Christophe ce flou cachait quelque chose : « je sentais que c’était une couverture ». Il faut dire également que ce fait divers lui parlait : « Rien ne collait avec l’image de cette famille catholique un brin trop parfaite. J’ai eu envie de gratter. »
« Sur Facebook on est de suite visible »
Il scrute alors et trace les archives des sites internet du père de famille. « Mes infos sur ces sites méritaient une page sur Facebook selon moi ». Le dimanche matin 24 avril cette intuition première se transformait donc en page. Puis très vite, « on s’est retrouvé à plusieurs à creuser sur la famille par le biais de cette page », explique-t-il. Alors pourquoi Facebook ? Et comment Facebook a-t-il changé la donne pour Christophe ? Car sur la base d’un simple doute il est parvenu à dénicher des infos importantes. « C’est un accélérateur puissant, souligne-t-il. Sur Facebook on est de suite visible », à l’inverse d’un blog par exemple qui peut mettre des mois à devenir influent ou même être simplement repris. Car du dimanche matin au lundi matin suivant où on parlait de sa page sur BFMTV, se sont déroulées seulement quelques heures. Christophe en fut lui-même surpris : « J’ai demandé sur ma page : mais est ce vrai ? » et la journaliste a confirmé très rapidement sur cette même page. La machine était lancée.
Un travail de journaliste sur Google
Tout est parti des profils Facebook du père et de la mère. « En sachant, souligne Christophe, que Xavier avait une vie professionnelle sur internet, on a pu faire un travail de journaliste sur Google. On était plusieurs en même temps et on est même parvenu à retrouver des photos ! » Inutile de revenir sur le contenu des informations dévoilées : les posts du père sur un forum catholique et les interrogations de la mère sur le forum Doctissimo. Christophe lui-même est conscient du caractère parfois indécent de certains propos : « On sait bien que les gens ne vont pas sur un forum pour dire que tout va bien. » « La question était de faire attention, mais tout était là. J’ai juste fixé les limites. » Avec un certain enthousiasme au début des opérations, il dit : « il n’y avait que des membres pertinents au démarrage de la page, avec cette même envie de fouiller. » Le côté thérapie de groupe, exutoire comme peut l’être internet, apparaît ici fortement. « Certains avaient une analyse plus fine que moi sur la psychologie des membres de la famille », explique-t-il. Pourtant la page Facebook s’est retrouvée très vite (dans la nuit du lundi à mardi) fermée par le signalement des internautes. Un peu du fait de son succès et des débordements d’internautes trop voyeurs.
« Il n’y a pas eu de piratage de notre part »
« J’ai rouvert une page Facebook dans l’idée de montrer que j’étais capable de gérer ces informations et pour m’expliquer aussi. » C’est reparti de la même manière mais avec plus de modération. Ils sont effectivement quatre modérateurs maintenant (Christophe inclus), à surveiller si tout se passe bien sur la page. Christophe semble étonné de son effet. « J’étais moi-même assez surpris qu’aucun journaliste n’ait pensé à fouiller le web comme nous l’avons fait. » Il rappelle à toute fin utile qu’« il n’y a pas eu de piratage. Nous n’avons pas craqué de boite mail ! » Et selon lui, « il reste beaucoup d’autres traces sur la Toile. » Mais pour l’instant il ressent comme un sentiment « d’overdose par rapport à cette histoire. J’ai refusé toutes les télés. Je n’étais pas préparé à cela. »