Il a y a déjà des expositions d’œuvres virtuelles, numériques sur la Toile. Mais cette série d’images, d’œuvres, de David Hockney, présentée à la fondation Pierre Bergé/Yves Saint Laurent, est faite sur des supports complètement nouveaux, dont le fond est éclairé. David Hockney avait découvert une application pour le dessin, Brushes. A partir de 2008, l’artiste réalise alors ses dessins d’abord sur iPhone, puis sur iPad, la tablette d’Apple ayant l’avantage d’offrir un écran un peu plus grand. Cette série de David Hockney, Fleurs fraîches, est, comme son nom l’indique, consacrée aux fleurs. Comme son ami lui offre des fleurs différentes tous les deux jours, elles sont devenues un thème de travail.
« Je disais en plaisantant : qui aurait cru que le téléphone ramènerait au dessin ? On se rend vite compte que c’est un médium lumineux qui se prête bien au traitement d’objets également lumineux. J’ai commencé par dessiner le lever du soleil depuis mon lit sur la côte Est de l’Angleterre. L’iPhone était à côté de mon lit. Il contenait tout ce qu’il faut et n’était pas salissant, de sorte qu’on n’avait même pas à nettoyer après s’en être servi. Je n’aurais pas dessiné l’aurore avec seulement un crayon et une feuille de papier, c’est la luminosité de l’écran qui m’y a incité », raconte David Hockney.
Pas de pinceaux à nettoyer, ni de matériel ou d’atelier à ranger : tout se passe avec le téléphone portable ou la tablette numérique. La palette du peintre est intégrée et permet de travailler n’importe où. Mais c’est la lumière en fond d’écran qui change le résultat ainsi que la présentation de ces dessins au public par rapport à une exposition « normale ».
Dans l’exposition, le numérique permet de faire alterner des dessins les uns après les autres sur chaque petit écran : un bouquet de fleurs en remplace un autre, à un rythme assez lent et imprévisible. On reste alors devant, le regard accroché par la beauté de ces images et leur abondance. Parfois ce sont des paysages qui se succèdent mais ce sont surtout des fleurs, en gros plan ou en bouquet. Avec toujours cette lumière venant du support, téléphone ou tablette, qui donne de l’éclat aux couleurs et aux traits du dessin. Les images à regarder sur iPad ont bien sûr plus d’espace et c’est confortable. Mais à une époque où les écrans domestiques sont toujours plus grands, c’est presque un jeu de l’intime de se plonger avec attention dans les toutes petites images affichées sur téléphone portable.
Parfois, une suite ininterrompue d’images permet de suivre la réalisation d’une œuvre de David Hockney en décomposant son travail. Exemple, un bouquet et une lampe, devant une fenêtre. On voit le doigt de David Hockney qui commence par créer les formes, puis place les couleurs, accentue avec des ombres. Un livre est placé en arrière-plan sur la table. Un peu plus tard, il a changé d’avis. Le livre est effacé et redessiné en premier plan. Picasso avait fait le même genre de démonstration : une fois, il avait peint sur une vitre et on suivait la création de l’œuvre tout en le voyant travailler en transparence.
David Hockney a d’abord fait ces dessins numériques pour ses amis et les leur a envoyés par mail. « Etaient-ce des reproductions ? Ce fut l’une des premières questions qui s’est posée. J’y répondis par la négative : les dessins étaient exactement identiques à ceux qui étaient sur mon téléphone, en théorie du moins puisque je n’avais envoyé à mes amis rien d’autre qu’un fichier numérique ».
S’est ensuite posé la question d’exposer ces dessins pour que d’autres personnes puissent les voir. Mais comment les exposer sans changer leur format d’origine ? Il a été question de les imprimer mais « ces dessins n’ont pas été faits pour être imprimés, car la première chose qu’ils perdraient alors serait leur luminosité toute particulière », explique David Hockney.
Les dessins numériques, créés par centaines par David Hockney sont donc exposés à la fondation Pierre Bergé/Yves Saint Laurent sur des téléphones portables et des tablettes dans leur format d’origine.
L’une des originalités de cette exposition Hockney est d’avoir été envoyée par email à ses amis. Plus besoin de se déplacer pour regarder ! Mais surtout, ces œuvres numériques ne sont pas à vendre. Ce n’est pas prévu. On peut seulement voir ces images sur les murs de la fondation parisienne. Puis elles retourneront à l’intimité de leurs premiers destinataires.