Radio Shabelle est la station privée la plus réputée de Somalie mais aussi, la plus exposée. Depuis 2007, quatre de ses journalistes ont été assassinés, dont le fondateur de la chaîne Mokhtar Mohamed Hirabe. Mais la radio fait front et garde son indépendance. C'est donc avec émotion qu’Ali Dahir a reçu le « Prix de la liberté de la presse » des mains de Jean-Christophe Ruffin, écrivain et ex-ambassadeur de France au Sénégal et en Gambie. Ali Dahir saisit cette occasion pour réaffirmer la détermination de Radio Shabelle à poursuivre son combat : « C’est encourageant et cela renforce notre engagement sur le terrain ; nous continuerons ce que nous faisons qui représente, on l’espère, le genre humain, le droit d'expression, a-t-il déclaré.Et d’ajouter : « Les médias sont l’oxygène de la démocratie. Nous croyons vraiment que les médias participeront à l'instauration de la paix et de la démocratie en Somalie ».
« Le métier de journaliste est essentiel pour un pays chaotique. Mogadiscio est sans loi ni ordre depuis 20 ans ». Il rappelle les risques encourus au quotidien par les journalistes dans l’exercice de leur fonction : « ... Le risque d’être tué, intimidé ou arrêté. Pourtant, nous sommes convaincus que ce que nous faisons est bien, et nous continuerons notre travail jusqu’au bout », conclut-il.
Radio Shabelle, une «radio courageuse» et «indépendante»
Le Prix de la liberté de la presse est destiné à soutenir des journalistes qui oeuvrent au quotidien pour défense de la liberté de la presse et prennent des risques pour ce faire. Jean-François Julliard, le secrétaire général de RSF, rappelle le lourd tribut payé par les journalistes de cette radio privée dans l’exercice de leur fonction : « Trois des directeurs ou journalistes de Radio Shabelle ont été tués au cours de ces dernière années. Et malgré ces risques-là, Radio Shabelle continue d’informer la population somalienne ».
« Dans le passé, ajoute Jean-François Julliard, des radios indépendantes ont été peu à peu soit rachetées, soit infiltrées par des groupes politiques ou religieux, et ont peu à peu perdu leur ligne
éditoriale indépendante. Radio Shabelle continue de garder cette indépendance de ton. Et c’est avant tout cela qu’on a voulu récompenser ce soir ».
Jean-François Julliard précise également le rôle concret joué par RSF, pour venir en aide à des journalistes qui sollicitent un « coup de main » : « On est là pour les exfiltrer quant il y a un réel danger imminent pour leurs vies… on a aidé des journalistes somaliens à trouver refuge en Europe, en France ou dans d’autres pays pour éviter qu’ils soient assassinés dans leur pays ». Des actions qui ont toutefois leurs limites : « C’est vrai qu’on ne peut pas non plus empêcher les milices shebabs ou d’autres de s’en prendre à des journalistes. Mais on essaye d’intervenir en termes de soutien politique, médiatique, psychologique et parfois financier autant qu’on peut pour les protéger ».
Abolreza Tajik, autre symbole de courage et d'indépendance
Pour la qualité de son travail et son engagement pour la défense de la liberté de la presse, l’Iranien Abolreza Tajik a été consacré « journaliste de l’année 2010 ». Fervent militant de la liberté d’expression, Abolreza Tajik a travaillé comme responsable politique dans plusieurs journaux aujourd’hui suspendus tels que Bonyan, Hambastegi ou encore, Shargh. Dans ses articles, Abolreza Tajik dénonçait les atteintes à la liberté d’expression et les arrestations arbitraires de journalistes.
Incarcéré pour la troisième fois le 12 juin 2010, Abolreza Tajik est toujours détenu à l’isolement dans la prison d’Evin. Shirin Ebadi, Prix Nobel de la paix 2003 et présidente du Cercle des défenseurs des droits de l’homme, est venue recevoir le prix en son nom. « J’espère qu’il sera ici l’année prochaine pour faire votre connaissance », a-t-elle notamment déclaré.