L’affaire se déroule à Chanteloup-les-Vignes, en région parisienne, dans l’une des banlieues sensibles et les plus pauvres de France. C’est donc au quartier de la Noé que cette crèche associative unique en son genre et atypique s’est implantée depuis vingt ans. Ouverte 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Sa mission est double : permettre à des familles de trouver un emploi avec des horaires décalées tout en offrant aux femmes un outil d’émancipation en les formant aux métiers de la petite enfance. Le paradoxe c’est que Fatima Afif qui poursuit la crèche devant le tribunal des prud’hommes a elle même bénéficié de ce projet ambitieux. Elle a décroché un diplôme d’auxiliaire puéricultrice avant de devenir directrice adjointe de l’établissement.
Tout bascule à la suite de ses deux congés parentaux, en 2008. Elle retourne à la crèche tout habillée de noir, avec un voile islamique : « Son hijab est non négociable », explique-t-elle. Pour Natalia Baleato, directrice et fondatrice de la crèche, ce n'est pas acceptable. Cette ancienne sage femme, réfugiée chilienne, qui depuis vingt ans se bat pour faire vivre cette structure, estime avoir été mise devant le fait accompli. Face au refus de Fatima Afif de retirer son voile, la crèche la licencie pour faute grave.
Le réglement intérieur interdit le port de tous signes religieux
Deux ans après, Fatima Afif, qui a saisi les prud’hommes, mais aussi la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde), dénonce un licenciement abusif. A l’époque présidée par Louis Schweitzer, la Halde lui donne raison et condamne la crèche pour discrimination. Elle réclame alors devant le tribunal plus de 100 000 euros de dommages et intérêts. Face à elle, la crèche Baby Loup se justifie. Pour Natalia Baleato, la directrice, Fatima Afif a enfreint le règlement intérieur qui interdit le port de tous signes religieux au non de la laïcité et du principe de neutralité.
Aujourd’hui le conflit s’est accentué avec la Halde. La nouvelle présidente en désaccord avec son prédécesseur a demandé une réouverture du dossier. Citée comme témoin par la défense de Baby Loup devant les prud’hommes, cette affaire, selon Jeannette Bougrab, « ne soulève pas une question administrative ou de procédure mais porte atteinte à un principe fondamental de notre République qui est la laïcité ».
D’autre voix se lèvent pour venir en aide à la crèche Baby Loup. Elisabeth Badinter la marraine de l’association mais aussi Manuel Valls. Pour le député socialiste, il y a un vide juridique, les associations ne sont pas protégées par la loi de 2004 sur le voile à l’école. L’affaire a été mise en délibéré au 13 décembre prochain.