La prophétie s’est réalisée. Arrivé en taxi dans une cohue invraisemblable devant le siège du jury, l’incontournable Michel Houellebecq a obtenu le Prix Goncourt tant désiré. Combien de fois il rodait déjà avec son chien Clément autour du fameux restaurant Drouant, dans le 9e arrondissement de Paris où siège le jury du Goncourt ? Cette fois-ci il n’a pas fait le voyage de sa maison en Irlande à Paris pour rien. Après de multiples refus et échecs, Michel Houellebecq peut se délecter de son triomphe suprême face à ses nombreux détracteurs.
La Carte et le Territoire se déroule dans les trois décennies à venir. Deux artistes qui se confrontent au monde qui les entoure. Houellebecq nous laisse apercevoir la mort de son ami-écrivain Frédéric Beigbeder et son propre assassinat un peu plus tard. Dans ce
monde futuriste rural et touristique déambulent des vrais maîtres de kitsch et de spéculation comme Jeff Koons et Damien Hirst, Jean-Pierre Pernaut, le journaliste vedette de TF1, mais aussi des personnages fictifs comme Jed Martin, le héros du roman, qui photographie des cartes Michelin (« la carte est plus intéressante que le territoire »).
Un procédé qui avait inspiré Houellebecq aussi dans l’écriture de son roman. Le romancier reprenait à trois reprises des informations données par l’encyclopédie en ligne Wikipédia sans citer ses sources, révélait le site Slate.fr. En même temps Houellebecq se défend d’être le Michel Houellebecq cité dans son livre : « Presque tout est faux. Je me suis servi de la caricature que l’on fait de moi et j’en ai rajouté. C’était un plaisir énorme de me dépeindre comme gras, vieux, sale, une vieille tortue malade. »
Né en 1958, à La Réunion, Michel Houellebecq est ingénieur agronome de formation et était en tant qu’écrivain toujours abonné aux polémiques. Après son récit sur la misère affective et sexuelle dans L’Extension du domaine de la lutte (1994), les illustres Particules élémentaires, après la description cynique du tourisme sexuel dans Plateforme (2001), son transfert de Flammarion à Fayard pour La Possibilité d’une île (2005) qui lui a rapporté 1,3 millions d’euros.
Depuis la sortie de son cinquième roman en septembre, Houellebecq s’est montré inhabituellement gentil et disponible lors de ses prestations dans les médias qui le lui rendaient bien. Même Témoignage Chrétien parlait d’un roman « drôle, subtil, féroce, intelligent ». La seule charge contre Houellebecq est venue d’Eric Naulleau, critique littéraire à la télé : « La carte et le territoire est un bouquin qui ne dérangera personne. Parfait pour accompagner la digestion d’après-dîner, c’est l’équivalent d'une bonne tisane des familles. » A la fin du roman, c’est la végétation qui triomphe, le territoire reprend ses droits sur la carte. A la fin de l’histoire réelle, c’est Michel Houellebecq qui jubile.