« A peine ai-je lu quelques lignes de Black Bazar que la nécessité de l’adaptation de ce roman au théâtre s’est imposée comme une évidence », explique ModesteNzapassara, un comédien d’origine centrafricaine qui a travaillé en France avec des metteurs en scène aussi prestigieux que Joël Jouanneau, Michaël Batz, Gérard Gelas, Lucien Marchal, Richard Demarcy, Gabriel Garran. Lui-même metteur en scène, il a monté Blaise Cendrars, Jean-Claude Grumberg… Et ses propres pièces. Fasciné par l’écriture très rythmée d’Alain Mabanckou, il s’est lancé dans l’adaptation de Black Bazar dont il restitue avec une grande inventivité l’humour, la truculence et la cocasserie.
Après la Première, le 29 juin dernier, et la tournée en province, prévue en 2011, la pièce s’est installée une dizaine de jours début octobre au Théâtre du Lavoir moderne parisien. Un spectacle riche en gouaille et impressionnant de vitalité, à l’instar du roman de Mabanckou.
Fessologue frime à travers le Paris noir
Décor réduit au minimum, lumière tamisée. La scène évoque l’antre du personnage principal. Grand sapeur devant l’éternel, dandy et esthète, Fessologue vit quelque part dans le Paris populaire - un morne studio du 18ème arrondissement. Pour tout mobilier, il possède un lit, une machine à écrire et des malles pleines de chemises et de chaussures de marque. L’homme ne s’habille qu’en costard, pour « maintenir la pression. Vestes en lin d’Emmanuel Ungaro qui se froissent avec noblesse et se portent avec délicatesse. Vestes en tergal de Francesco Smalto. Vestes en laine vierge 100 %, voire 200 %, avec un tissu pur Cerruti 1884. Chaussettes Jacquard. Cravates en soie, certaines avec des motifs de la Tour Eiffel ou de l’Arc de Triomphe…»
Ainsi attifé comme un seigneur, Fessologue frime à travers le Paris noir. Et plus particulièrement au Jip’s, un bar afro-cubain du 1er arrondissement où tous les désœuvrés du monde noir parisien aiment se retrouver. Ils discutent, se chamaillent, font et défont le monde. Mais leur passe-temps favori consiste à reluquer les femmes qui passent dans la rue.
Fessologue, un des principaux habitués du Jip’s, a lui aussi la passion des femmes et plus particulièrement de leur « Face B » à laquelle il voue une admiration sans borne. Les hommages enflammés et connaisseurs qu’il rend à cette partie cachée du corps féminin sont dignes des meilleures anthologies érotiques.
Avec son interprétation pleine d’humour et distanciée des heurs et malheurs de Fessologue, Nzapassara fait un tabac. Il occupe seul la scène, changeant de place et de voix pour jouer le rôle du protagoniste, mais aussi celui des femmes de Fessologue, du voisin raciste, de l’Arabe du coin. L’univers diversifié et pluriel de Black Bazar n’a aucun secret pour ce jeune acteur dont le solo est riche de toutes les voix du Paris postcolonial où l’Afrique, les Antilles et le Maghreb cohabitent avec la population de souche. Dans une disharmonie ô combien féconde de sentiments et d’histoires. Vu le triomphe réservé à la pièce, on ne serait pas surpris que Black Bazar soit repris dans une salle parisienne avant sa tournée en province en mai 2011.
Black Bazar, d’après le roman d’Alain Mabanckou. Joué et mis en scène par Modeste Nzapassara. Les dates des représentations en 2011 ne sont pas encore communiquées.