Hadopi attaque contre « un désastre économique et surtout culturel »

La France est devenue l'un des pays les plus répressifs en matière de téléchargement illégal. Ce lundi 4 octobre est entrée en application une loi qui prévoit, après deux avertissements, une amende et une coupure de l'abonnement pour les internautes récalcitrants.

 

Les premiers courriels avertissant les internautes téléchargeant illégalement ont été envoyés vendredi, plus d'un an après l'adoption de cette loi controversée, a indiqué aujourd’hui l'autorité chargée de son application. Après ce premier message, l'internaute, s'il récidive dans les six mois, en reçoit un deuxième et une lettre recommandée. A la troisième infraction, il risque une amende et une suspension de son abonnement internet pouvant aller jusqu'à un an, sans possibilité d'en souscrire un autre.

« Attention, votre accès à internet a été utilisé pour commettre des faits, constatés par procès-verbal, qui peuvent constituer une infraction pénale », prévient le message, long de deux pages, de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi).

Selon le site spécialisé PcInpact, les opérateurs Numericable et Bouygues Telecom ont été les premiers fournisseurs d'accès internet à adresser des courriels d'avertissement à leurs clients. SFR et Orange devaient leur emboîter le pas aujourd’hui. La « loi Hadopi », voulue par le président Nicolas Sarkozy, a été adoptée définitivement en septembre 2009, après un parcours législatif chaotique et une censure du Conseil constitutionnel qui avait donné lieu à une nouvelle version.

 Elle a divisé le monde artistique, suscité de fortes réticences jusqu'au sein de la majorité de droite et une opposition farouche du parti socialiste. Ces opposants dénoncent un dispositif répressif et inefficace, car aisément contournable, selon eux, par les internautes.

« L'Hadopi s'est péniblement mise en route, elle a mis un an, et au lieu de développer l'offre légale, comme promis, elle passe directement à la machine à claques », a regretté fin septembre Edouard Barreiro, chargé de mission "nouvelles technologies" au sein de l'association de consommateurs UFC-Que choisir. La mise en œuvre de cette loi, qui réprime le téléchargement illégal d'œuvres musicales et de films, était en revanche attendue avec impatience par l'industrie du disque, confrontée à un marché en baisse de 55% depuis 2002. Le secrétaire général de la Haute autorité, Eric Walter, a annoncé fin juillet que les secteurs du livre et du jeu vidéo pourraient aussi être concernés.

Le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand avait défendu la loi en fustigeant le piratage, « responsable d'un désastre économique et surtout culturel » et déploré « 450.000 téléchargements illégaux de films par jour » en France. Fin septembre, Tim Berners-Lee, considéré comme le père du web, avait mis en garde contre le « fléau » des législations anti-piratage, à propos de la France et d'une loi similaire adoptée en avril en Grande-Bretagne. M. Berners-Lee, professeur au Massachusetts Institute of Technology (MIT), a aussi évoqué l'examen par le Sénat américain d'une proposition de loi qui autoriserait le gouvernement à créer une « liste noire » de sites internet qui pourraient être bloqués par les fournisseurs d'accès.

 

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