RFI : Le « Off » sera bientôt cinquantenaire…
Greg Germain : Le Festival Off a commencé dans les années 1960 comme un rendez-vous informel du théâtre non-officiel et contestataire. Incarné par la personnalité d’André Benedetto, qui a monté régulièrement des spectacles depuis 1963, le Off se voulait au départ un festival alternatif, en porte-à-faux avec le classicisme du Festival In. Benedetto a été rejoint par d’autres troupes qui ne trouvaient pas leur place dans la manifestation officielle. Dans les premières décennies, l’organisation du Off a été plutôt anarchique. Puis elle a été prise en main en 1982 par une association des participants qui a publié le premier programme du Off. Depuis, ce festival parallèle a connu un développement foisonnant, avec 980 spectacles produits l’an dernier par 825 compagnies dans 105 lieux différents, et au total 1,2 millions d’entrées ! L’édition 2010 semble aussi bien partie pour battre les records avec 1092 spectacles programmés dans 121 lieux. Le Off est devenu le plus grand festival des compagnies indépendantes du monde !
RFI : Qu’est-ce qui différencie le Off du In ?
G.G. : Ce qui fonde l’identité du Off, c’est tout d’abord sa pluralité. Il y a autant de festivals que de compagnies présentes à Avignon. Chacune est libre de présenter les spectacles qu’elle veut, selon la sensibilité et l’esthétique qu’elle veut promouvoir. Elle le fait en totale liberté. Le spectateur de l’édition 2010 pourra assister potentiellement à près de 850 spectacles, donc 850 festivals, concoctés par plus de 6 000 professionnels. Pour moi, ce foisonnement signifie que notre pays se porte bien culturellement et artistiquement.
RFI : Pourquoi les compagnies de théâtre viennent-elles à Avignon ?
G.G. : Primo, pour vendre leurs spectacles. Avignon est devenu le grand marché professionnel du théâtre. Il est le rendez-vous de tout ce que la France compte de producteurs, de programmateurs et d’acheteurs. L’année dernière, 2 700 professionnels sont venus sur le Off et ont acheté des pièces pour leurs municipalités, leurs départements ou leurs régions. Secundo, pour pouvoir jouer dans la durée. En France, en moyenne, la vie d’une pièce est réduite à 7 représentations. A Avignon, c’est 24 représentations. Jouer 24 fois est certes fatigant, mais cela permet à un auteur d’explorer son écriture et au metteur en scène de juger de la réception de son travail. Enfin, pour voir ce que font les autres. Dans quel autre festival une compagnie de Colmar peut-elle voir ce que fait une compagnie de la Guadeloupe et de la Bretagne ? Avignon est le lieu par excellence d’échanges des imaginaires.
RFI : Comment le Off est-il financé ?
G.G. : Le festival Off est quasi-totalement autofinancé par les compagnies, les lieux et le public. Le public achète des cartes d’abonnement bénéficiant de 30 % de réduction sur tous les spectacles. L’argent collecté sur ces cartes permet d’offrir au public des services de base et d’assurer le coût de fonctionnement du bureau du Off, actuellement composé de bénévoles. Moi-même, en tant que président de l’AF&C, je consacre pendant toute l’année trois jours par semaine au Festival. Sans avoir jamais été payé. Compte tenu des retombées économiques importantes du Festival Off, il serait urgent que l’Etat nous donne les moyens d’avoir un vrai bureau de coordination avec des agents qui soient fonctionnels sur toute l’année. Pour cela, il faut pouvoir payer ces agents. C’est une revendication citoyenne et j’espère être entendu par les pouvoirs publics.
RFI : En tant que président de l’AF&C qui pilote le Off, comment souhaitez-vous faire évoluer ce festival ?
G.G. : Je suis avec André Benedetto l’un des fondateurs de l’AF&C. A la mort d’André, l’année dernière, j’ai été élu président de cette association dont la mission est d’accompagner le développement du Off. Nous éditons le programme et travaillons en étroite collaboration avec les compagnies. L’une des ambitions de ma présidence est d’établir une « Charte des compagnies et des lieux du Off. C’est une charte de bonne conduite que les signataires s’engagent à respecter. Mon autre ambition est d’accroître la visibilité internationale du festival Off. A cet effet, nous avons déjà initié des partenariats avec la Corée du Sud, Taïwan et notamment avec le Fringe du Festival d’Edimbourg, qui est le plus grand festival du spectacle vivant du monde. Une collaboration avec le Fringe, qui a soixante-seize ans d’existence, peut nous aider à nous professionnaliser davantage et à ouvrir les portes du monde anglophone aux compagnies de théâtre françaises.