Turquie: Erdogan sortirait conforté des élections locales

Les premiers résultats officiels des élections municipales en Turquie ont commencé à être publiés ce dimanche soir. Selon des chiffres délivrés par l'agence de presse officielle, le Parti de la justice et du développement (AKP) de Recep Tayyip Erdogan remporte 48% des votes. Mais ces chiffres sont remis en cause par le CHP, le principal parti d'opposition.

Article régulièrement réactualisé avec notre correspondant à Istanbul, Jérôme Bastion

« Aujourd'hui, ce qui compte, c'est ce que dit le peuple, pas ce que disent les manifestants sur les places », avait lâché Recep Tayyip Erdogan, le Premier ministre truc, après avoir voté à Istanbul, ce dimanche matin. 53 millions de Turcs étaient appelés aux urnes pour ces élections locales se jouant à plusieurs échelons, du responsable de quartier au président de communautés urbaines. Le Premier ministre turc, confronté à plusieurs affaires judiciaires et à une vague de protestation, avait lui-même accentué la personnalisation de ce scrutin et sa valeur de test national pour le parti au pouvoir, l’AKP.

Selon des résultats diffusés en début de soirée - des résultats encore partiels, mais officiels, qui reposent sur 18 % des votes -, l'AKP recueille 48 % des votes au niveau national, contre 24% pour le CHP (Parti républicain du peuple, principal parti d'opposition de centre-gauche). Si ces chiffres se confirmaient, cela constituerait une indéniable victoire pour l'AKP,  qui espérait améliorer son score des dernières municipales, en 2009, à l’issue desquelles il avait recueilli 38,8 %. Mais rien n'est encore acquis.

Situation confuse

En début de soirée, ce dimanche soir, le Premier ministre turc est sorti de son domicile d'Istanbul pour rejoindre le siège de son parti à Ankara, où il a été accueilli par un groupe de supporters qui scandaient « la Turquie est fière de toi ! », comme si la victoire était acquise. Mais Erdogan n’a pas commenté. Il ne s’est pas montré particulièrement jovial, non plus, se contentant d’agiter la main. Il a déclaré aux journalistes présents qu’il ne ferait aucun commentaire.

La situation est en effet très confuse, ce dimanche soir en Turquie. Les médias se montrent extrêmement prudents et suspicieux des chiffres fournis par l’agence officielle Anatolie, qui donne une large victoire à l’AKP, le parti de la Justice et du Développement au pouvoir. L’autre agence de presse accréditée pour transmettre les résultats du dépouillement, l’agence CIHAN, proche de la confrérie Gülen, donne pour sa part des résultats presque symétriquement opposés, tout en dénonçant un piratage de son système informatique qui l’empêche de publier des chiffres.

Résultats contradictoires

Il y a donc deux versions contradictoires : l’une qui donne par exemple la victoire de l’AKP dans toutes les grandes villes du pays, et l’autre qui donne une victoire du CHP, l’opposition sociale-démocrate, à Ankara et Istanbul, ce qui serait une énorme surprise et un grave revers pour l’AKP. Les chiffres donnés aux partis politiques sont en revanche ceux avalisés par le Haut conseil électoral. Son président l’a expliqué en direct à la télévision, ce dimanche soir, pour tenter de clarifier la situation. Mais l’opposition affirme avoir d’ores et déjà remporté les deux premières villes du pays et le président de l'AKP pour Istanbul Aziz Babusçu clame victoire pour Istanbul, sans donner de chiffre. Il appelle à attendre la fin du dépouillement pour célébrer la victoire.

Le scrutin a été marqué par des affrontements meurtriers entre clans rivaux, dans des villages de l’est du pays. Huit personnes ont été tuées dans des fusillades dans les provinces de Sanliurfa et de Hatay.


Julien Bayou dénonce des « obstructions au vote » dans l’est du pays

Julien Bayou, porte-parole du parti français Europe-écologie les verts, participait à une mission d'observation indépendante dans la ville d'Igdir, à l'invitation du parti Kurde, dans une ville où la population se partage entre Azéris et Kurdes. Selon lui, tout le monde n'a pas été traité de la même manière.

« On a pu observer des contrastes très importants entre des populations a priori favorables à l’AKP (…) ou à l’extrême droite et les quartiers à majorité kurde, favorables au BDP (Parti pour la paix et la démocratie, le principal parti kurde en Turquie, ndlr), où la pression policière est intense », affirme Julien Bayou. Lors de la visite de bureaux de vote, dans la matinée, il dit avoir observé « des blindés, des canons à eau, et des militaires jusque dans des bureaux de vote, alors qu’en théorie, le code électoral les éloigne à plus de 500 mètres ». Il affirme également que les militaires ont fermé plusieurs bureaux de vote, « sous des prétextes divers, en général, c’est une rixe entre deux électeurs ». Julien Bayou, qui affirme que « les Kurdes comme les Azéris votent de manière très bon enfant (…). Donc, le recours à la force, c’est plus que de l’intimidation, c’est carrément de l’obstruction au vote. »

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