De notre correspondant au Vatican,
Sœur Nathalie Becquart est déjà une familière du synode des évêques. Elle avait participé fin 2018 à cette assemblée pour réfléchir à la place des jeunes dans l’Église, avant d’être nommée l’année suivante parmi le collège des consultants de cette instance très masculine. Sa nomination comme sous-secrétaire (c’est-à-dire numéro deux, le secrétaire étant un cardinal) est ainsi un événement. Pour la première fois dans l’histoire de l’Église en effet, une femme pourra voter les textes qui sont débattus lors des synodes.
Jusqu’ici, les femmes, invitées à Rome lors de ces grandes assemblées, parmi des évêques et des cardinaux venus du monde entier, étaient cantonnées à pouvoir s’exprimer, mais n’avaient aucun droit de vote des textes cruciaux débattus au sein de l’Église. Une situation qui soulevait de plus en plus de critiques en interne, comme l’historienne et féministe italienne Lucetta Scaraffia, invitée au synode de 2015 sur la famille. Dans un récit au vitriol publié dans le quotidien Le Monde, elle regrettait que les femmes y soient « quasi invisibles ».
En nommant la religieuse française, le pape François envoie donc un signe fort : la Curie doit faire plus de place aux femmes. « Avec la nomination de sœur Nathalie Becquart et sa possibilité de participer avec droit de vote, une porte a été ouverte », a commenté le cardinal maltais Mario Grech, le secrétaire général du synode, dans un entretien aux médias officiels du Vatican.
Associer les femmes dans les prises de décision
La religieuse française était présente à Rome ces derniers jours et est prête à se mettre au travail. Peu après l’annonce de sa nomination, elle a expliqué y voir « un signe de confiance pour les femmes dans l’Église, pour les religieuses » de la part du pape François et sa volonté d’associer les femmes dans les prises de décision au sein de la hiérarchie ecclésiale.
Née à Fontainebleau en 1969, Nathalie Becquart suit des études à HEC et étudie en parallèle la philosophie à la Sorbonne. Après une année de volontariat au Liban où elle enseigne les maths et le français dans une école catholique, elle travaille comme consultante dans une agence de marketing et de publicité pour des ONG et des organisations chrétiennes. C’est en 1995 qu’elle entre dans la vie religieuse en poussant la porte de l'institut la Xavière, une congrégation fondée il y a 100 ans et qui, comme les jésuites, est influencée par la spiritualité de Saint Ignace de Loyola.
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Fréquentant plusieurs aumôneries étudiantes, la jeune religieuse sera, de 2008 à 2012, responsable de la pastorale des jeunes et des vocations au sein de la conférence des évêques de France. Son profil dynamique est repéré à Rome. Son cursus est en résonance parfaite avec l’Église que souhaite le pape François.
Une spécialiste de la « synodalité »
Issu du grec syn-hodos, qui signifie « marcher ensemble », le synode des évêques a été instauré au Vatican par le pape Paul VI en 1965. François, qui a canonisé son prédécesseur place Saint-Pierre en 2018, à l’issue du synode sur les jeunes, porte une très forte attention à cette structure consultative de l’Église catholique.
Depuis plusieurs années, le souverain pontife insiste sur le nécessaire « processus synodal » qui doit devenir une règle pour trancher les débats internes, dans une démarche la plus large possible, en laissant mûrir la réflexion. François insiste sur la « nécessité d’écouter », y compris les points de vue minoritaires lors de ces assemblées synodales où se jouent les grands débats de l’Église, comme l’accès à la communion pour les divorcés-remariés ou la possibilité d’ordonner à la prêtrise des hommes mariés.
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L’an dernier, sœur Nathalie Becquart a justement suivi une formation en ecclésiologie à l’université de Boston, en se spécialisant sur la question de la synodalité. Une Église plus synodale est « une Église à l'écoute, inclusive, accueillante, créative, engagée avec les plus pauvres et qui lutte contre les injustices » écrivait la religieuse avant le synode sur l’Amazonie organisé au Vatican en octobre 2019. Le pape argentin n’a jamais fait mystère de sa volonté de promouvoir plus de femmes au Vatican. En tant que numéro deux du synode des évêques, sœur Nathalie Béquart devient l’un des nouveaux visages d’une lente féminisation de la Curie romaine. À 52 ans, la religieuse en est aussi l’un des plus jeunes.