Face au coronavirus, la «liste du souvenir» des médecins russes

En Russie, un collectif de médecins a décidé de rendre hommage aux professionnels de santé qui se trouvent en première ligne face à la maladie. En dressant la liste de tous ceux, médecins, infirmiers ou aide-soignants, qui sont morts depuis le début de la pandémie de coronavirus.

De notre correspondant à Moscou,

La liste noire des médecins russes ne cesse de s’allonger. Ils étaient plus de 70 le 29 avril dernier, ils sont déjà plus d’une centaine à avoir perdu la vie depuis le début de l’épidémie en Russie. Le décompte n’a rien d’officiel : il est tenu par un collectif de médecins, qui a décidé de pallier le manque de statistique officielle dans le secteur de la santé.

Cette « liste du souvenir » doit permettre de rendre hommage aux médecins, infirmiers, et personnels soignants qui ont été victimes de la maladie, mais aussi de pointer le manque de matériel de protection, de masques, de combinaisons. Et du risque que cela entraîne en termes de propagation du virus. Plusieurs hôpitaux en Russie sont d’ailleurs devenus des foyers d’infection et ont dû être placés en quarantaine.

Ces médecins russes qui font face à des pénuries de matériel sont également soumis à de fortes pressions de la part de leur hiérarchie. La presse russe s’est d’ailleurs fait l’écho de plusieurs cas de suicide ou de tentatives de suicide au sein du corps médical depuis le début de l’épidémie.

Risque de poursuites judiciaires

En moins de deux semaines, trois médecins en désaccord avec leur hiérarchie se sont ainsi défenestrés, et deux d’entre eux sont décédés. L’un de ces médecins avait refusé de transformer son unité pour y accueillir des malades du coronavirus, arguant du manque de matériel. Un autre avait été accusé d’avoir infecté plusieurs de ses collègues. Le troisième s’était plaint publiquement d’avoir été obligé de continuer son travail, alors qu’il était lui-même porteur du virus.

Un autre élément peut accroître la tension qui s’exerce sur les médecins russes : le risque de poursuites judiciaires. En effet, une loi dès le début de l’épidémie permet de sanctionner toute personne accusée de propager de fausses nouvelles sur la maladie. Et les médecins qui témoignent à visage découvert de leurs difficultés pour lutter contre la maladie, ou qui mettent en doute la réalité des statistiques officielles, peuvent être poursuivis, et tomber sous le coup de cette loi.

Ce mardi 5 mai, le journal Novaïa Gazeta a d’ailleurs lancé un appel aux médecins russes, pour les encourager à témoigner de façon anonyme sur les pénuries et les dysfonctionnements. « Nous comprenons votre peur d’être licencié, de subir des sanctions ou des poursuites », écrit le journal, qui souligne toutefois l’importance de faire remonter les informations sur la réalité de la situation dans les hôpitaux russes.

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