Dans le port de Porto Empedocle, au sud de la Sicile, les autorités ne prennent pas le décret à la légère : 48 personnes qui se rendaient à pied au cimetière pour des funérailles ont été verbalisées. Le confinement est, dans les conditions actuelles, la seule mesure efficace face au coronavirus, de l’avis des scientifiques.
Des cabinets médicaux « quasiment déserts »
Pour Baptiste Labrugnas, restaurateur français installé à Milan, cette mesure de confinement aurait dû être prise plus tôt, dès la fermeture des écoles « Quand on a dit "si vous devez rester chez vous pour garder vos enfants et que vous ne pouvez pas faire de télétravail, vous serez en arrêt maladie", les gens l’ont vécu plutôt comme des vacances, puisqu’ils n’étaient pas malades ! Le message n’est pas passé qu’il fallait rester à la maison, d’où l’arrêt maladie, et non pas aller dans sa maison de campagne ou au ski le week-end. Ils l’ont compris dimanche 8 mars avec cette mesure de fermer les restaurants à 18 heures, de faire entrer un nombre limité de personnes à la fois dans les supermarchés. Maintenant, tout le pays semble avoir compris qu’il faut attendre que ça passe, en espérant que ça passe au plus vite. Donc on est tous confinés chez soi, et on fait des apéros sur Skype pour se remonter le moral ! »
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Dans la région de Vintimille, beaucoup moins touchée que le reste du nord du pays, le docteur Claudio Berlengiero, médecin et ancien maire de la ville, constate lui aussi que les habitants se plient désormais à la discipline. Avec les cinq collègues de son cabinet, il avait déjà commencé à réduire les consultations. « Nos cabinets sont quasiment déserts, explique-t-il, les gens qui ont des problèmes de santé nous appellent et nous les orientons par téléphone. Nos lignes sont en surchauffe, ça c’est sûr, mais pour l’instant, on gère la situation. »
La pyramide des âges en Italie a eu un impact sur le taux de mortalité du Covid-19
Le défi, à présent, sera de tenir dans le temps, car l’épidémie est loin d’être enrayée. En prenant modèle sur l’épidémie de grippe A H1N1 en 2009, le docteur Stefania Salmaso estime que le pic pourrait n’avoir lieu que mi-avril, et cela pour la seule Lombardie, première région touchée. Le conseiller régional Giulio Gallera propose même de fermer complètement la région pour 15 jours.
L’urgence, selon le docteur Berlengiero, qui échange régulièrement avec ses collègues des régions au cœur de l’épidémie, est de désengorger les hôpitaux. « La Lombardie est au bord de l’effondrement, mais n’importe quel système de santé serait dans cette situation avec de pareils chiffres. Mais l'extension des mesures de confinement va aider à répartir les malades et surtout à limiter l’extension de la contagion. Sans cela, nous allions finir par en arriver au triage des malades, "toi on te sauve, toi on ne peut pas…". Une situation toujours terrible. »
Si le taux de mortalité semble un peu plus élevé en Italie pour l’instant que dans les autres pays européens touchés, ce n’est toutefois pas à cause du système de soins, estime le docteur Berlengiero : « L’épidémie a explosé dans des régions où le système sanitaire atteint un niveau d’excellence, qu’il s’agisse de la Lombardie, de l’Emilie-Romagne ou de la Vénétie. Si cela s’était passé dans les régions du sud du pays, la situation aurait été bien plus catastrophique. » La raison de la mortalité est plutôt à chercher du côté de la pyramide des âges : en Italie, 22.6 % de la population a plus de 80 ans, contre 19.7% en France.
Le confinement commence à porter ses fruits
Il est d’autant plus urgent d’enrayer la progression de l’épidémie, et la question concerne toute l’Europe. Mardi 10 mars dans la soirée, à l’issue d’une réunion des dirigeants européens, Emmanuel Macron a estimé que des mesures aussi drastiques que celles prises par l’Italie n’étaient pas nécessaires au stade actuel de l’épidémie, mais pas exclues. La députée européenne Simona Bonafé, du groupe Socialistes & Démocrates, trouve qu’en dehors de l’Italie, la réponse est timide : « Il n’y a pas encore une vraie prise de conscience. Peut-être un peu plus en Allemagne et en France, mais j’ai des collègues dans le nord de l’Europe qui ont un ou deux cas dans leur pays, et ne réalisent pas la gravité de la situation. Malheureusement, le virus ne s’arrête pas aux frontières. »
Dans la première « zone rouge » italienne, le Lodigiano près de Milan, les mesures drastiques de confinement commencent à porter leurs fruits. La contagion a fortement ralenti d’après Simona Bonafé, qui insiste sur le besoin d’une information transparente : « Il faut dire la vérité, et la vérité, c’est que le confinement est la seule mesure efficace. C’est difficile à accepter, parce que limiter la liberté de circulation des citoyens n’est pas une chose facile à faire, mais c’est nécessaire. » L’eurodéputée appelle les 27 à coordonner leurs efforts. Le Conseil européen a appelé à la solidarité, mardi 10 mars. L’Union européenne débloque 25 milliards d’euros et accepte que les États touchés bénéficient d'une flexibilité budgétaire dont l'Italie, notamment, va avoir grand besoin pour faire face à l’impact économique de la crise sanitaire.