Le dialogue reprend entre l'Ukraine et la Russie, mais les divergences demeurent

Les présidents russe et ukrainien sont convenus lors de leur première rencontre lundi 9 décembre à Paris d'une série de mesures pour relancer le processus de paix en Ukraine, mais ont surtout acté leur désaccord sur son volet politique, se donnant rendez-vous dans quatre mois pour tenter le surmonter.

Consolidation du cessez-le-feu, nouvel échange de tous les prisonniers restant d'ici la fin décembre, nouveau retrait de combattants de trois zones d'ici fin mars prochain... Le sommet a envoyé plusieurs signaux positifs.Mais aucune avancée n’a été actée sur le volet politique des accords de Minsk, pointe notre envoyée spéciale Anastasia Becchio.

« Pour moi, je le dis honnêtement, le résultat de cette première rencontre, c'est très peu : je voudrais résoudre un plus grand nombre de problèmes », a résumé Volodymyr Zelenskiy lors d'une conférence de presse commune à l'issue d'un sommet sous les auspices du président français et de la chancelière allemande.

Vladimir Poutine s'est voulu plus optimiste, saluant un « pas important » vers une désescalade et « sans doute » un dégel. « La Russie va faire tout ce qui dépend d'elle pour que le conflit soit terminé », a affirmé le président russe.

Le problème de la frontière

Mais le président ukrainien n'a pas pu arracher les concessions qu'il demandait pour l'organisation d'élections locales dans le Donbass. Kiev craint qu'elles ne se fassent aux conditions des séparatistes et ne soient pas libres et transparentes.

Il réclame notamment le démantèlement préalable de tous les groupes armés « illégaux » - comprendre les séparatistes pro-russes et leurs parrains russes - et le retour sous contrôle ukrainien de la frontière entre cette région de l'Est de l'Ukraine et la Russie. « Nous avons des divergences complètes sur la frontière.  Je soulève cette question : je souhaite que la frontière repasse sous contrôle ukrainien avant les élections locales », a-t-il martelé.

Assis à l’autre extrémité de la table de conférence de presse, à côté d’Emmanuel Macron, Vladimir Poutine a répondu invariablement qu’il n’y avait pas d’alternative aux accords de Minsk qui sont très clairs sur ce point : l’Ukraine récupère le contrôle de sa frontière orientale au lendemain des élections.

Rendez-vous dans quatre mois

Les quatre dirigeants sont au moins tombés d'accord sur un point après trois ans de paralysie dans le processus de paix : « Le fait que nous soyons côte à côte est en soit un résultat important », a assuré Emmanuel Macron. Il a qualifié de « blessure ouverte au cœur du continent européen », cette guerre entre Kiev et les séparatistes pro-russes qui a fait plus de 13 000 morts dans le Donbass et un million de déplacés depuis 2014.

De l’autre côté du président français, la chancelière allemande a affiché un optimisme mesuré. « Je le dis ouvertement : nous avons encore beaucoup de travail à réaliser mais j'ai l'impression après cette rencontre qu'il y a de la bonne volonté pour résoudre des questions difficiles. »

Pour tenter de surmonter les différends, les quatre dirigeants sont convenus de faire plancher leurs chefs de la diplomatie sur « les conditions politiques et sécuritaires » en vue des élections et de se retrouver pour un nouveau sommet « d'ici quatre mois ».

Zelenskiy « n'a franchi aucune ligne rouge »

Volodymyr Zelenskiy, novice en politique, est aussi sous la pression de son opinion, qui redoute de le voir faire trop de concessions face à Vladimir Poutine. Plusieurs manifestations ont eu lieu ces derniers jours. Les protestataires réunis lundi soir devant la présidence ont considéré que le chef de l'État « n'a franchi aucune ligne rouge » à Paris et qu'ils pouvaient donc « lever le camp ».

Après avoir suivi la conférence de presse sur un écran géant, la centaine de vétérans de guerre et militants nationalistes s’est estimée satisfaite. En plus des avancées techniques à Paris, Volodymyr Zelenskiy a refusé d’évoquer une fédéralisation de son pays, et a même rappelé face à Vladimir Poutine que la Crimée appartient à l’Ukraine.

Les protestataires restent cependant sur leurs gardes : ils redoutent un éventuel accord secret, et promettent de futures manifestations au fil des négociations, rapporte notre correspondant à Kiev, Sébastien Gobert. Si le président a rassuré la frange nationaliste de l’opinion, il a sans doute déçu 20% de l’électorat qui s’était prononcé pour une véritable paix et réconciliation avec la Russie.

Un électorat qui attendait aussi un accord sur la livraison de gaz russe, afin de réduire le coût des factures de chauffage. Volodymyr Zelenskiy l’a dit lui-même : les progrès du sommet ne sont pas suffisants. Pour les Ukrainiens, qu’ils le soutiennent ou non, ce n’était qu’une étape, sur un long chemin.

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