Union européenne: à Bruxelles, l'heure est aux tractations

Deux jours après les résultats des élections européennes, place aux grandes manœuvres pour la nomination des futurs responsables des institutions. Et elles ne seront pas aussi simples qu’il y a cinq ans.

Le Parlement européen a ouvert le bal ce mardi matin, rapporte notre correspondant à Bruxelles, Pierre Benazet. La conférence des présidents des groupes politiques du Parlement a débouché sur un communiqué qui cherche à graver dans le marbre le système du Spitzenkandidat, un système non-officiel qui voudrait que la présidence de la Commission européenne soit attribuée à la tête de liste du parti européen arrivé en tête, à savoir le Bavarois Manfred Weber.

Bien qu’il soit affaibli par le faible score des conservateurs en Allemagne, la conférence des présidents pousse à la nomination du candidat du Parti populaire européen, la droite continentale. Ou en tout cas à la nomination d’un conservateur, puisque le PPE reste le premier groupe avec 180 sièges. En 2014, ils avaient suffisamment d’avance pour que s’impose le choix de Jean-Claude Juncker, tête de liste de la campagne de la formation européenne conservatrice.

Les Libéraux ont voté contre ce communiqué, ce qui ne va pas simplifier la tâche du président français. Emmanuel Macron cherche à créer un centre de gravité autour du parti centriste issu de son alliance avec l'Alliance des libéraux et démocrates pour l'Europe (Alde), un parti qui est désormais la troisième force majeure du Parlement. Il faudrait rallier les socialistes représentés par les Premiers ministres espagnols et portugais pour contrer la nomination de Manfred Weber.

Mais rien ne garantit que ces derniers acceptent de voir leur candidat Frans Timmermans laisser sa place à la libérale Margrethe Vestager, dont l’avenir européen dépend des législatives danoises du 5 juin. Pour le président français, le choix du prochain président de la Commission doit refléter l'équilibre du nouveau Parlement. Il est moins favorable que la chancelière allemande au système du Spitzenkandidat, estimant que celui-ci ne doit pas s'appliquer automatiquement.

Et ce, même si les différents candidats sont légitimes selon l'Élysée, et alors que de son côté, Angela Merkel a réitéré son attachement lundi à ce système. La chancelière s'est exprimée sur le sujet alors qu'elle recevait le président du Costa Rica, rapporte notre correspondant à Berlin, Pascal Thibaut. « Les chrétiens-démocrates comme les sociaux-démocrates soutiennent le principe des Spitzenkandidaten pour la présidence de la Commission », a-t-elle rappelé.

Emmanuel Macron consulte

Le président français est clairement à la manœuvre. Il a reçu à dîner, lundi soir à l'Élysée, le chef du gouvernement espagnol Pedro Sanchez, grand vainqueur des élections dans son pays avec 20 eurodéputés. Le quotidien espagnol El País évoque à ce propos une éventuelle initiative conjointe entre ces socialistes espagnols et les élus européens de LREM. Et ce mardi midi, M. Macron déjeunait de nouveau avec Pedro Sanchez à Bruxelles, mais pas uniquement.

Le président français a aussi vu les Premiers ministres belge Charles Michel, néerlandais Mark Rutte et portugais Antonio Costa. Puis, il s'entretenait dans l'après-midi avec les dirigeants du groupe de Visegrad (Slovaquie, République tchèque, Pologne, Hongrie), bastion du camp nationaliste. Avant de rencontrer le président du Conseil, Donald Tusk, et Angela Merkel.

Emmanuel Macron - qui a perdu son pari en France, selon la presse européenne - pourrait donc paradoxalement le gagner au niveau européen. Il tente avec ses alliés et son nouveau groupe au Parlement de se retrouver faiseur de rois. Avec toujours l'idée de mettre fin à 40 ans de duo entre les socialistes et la droite, et surtout de contrecarrer l'influence du PPE, notamment des Allemands.

« Il nous faut des femmes et des hommes qui incarnent ce renouveau, qui ont l'expérience et la crédibilité qui leur permettent de porter ces missions et qui réflectent ces ambitions et les épouses pleinement. Voilà ce sur quoi doit porter à mes yeux nos discussions d'aujourd'hui », a déclaré Emmanuel Macron à la presse.

Interrogé sur quels seraient les critères, Emmanuel Macron a précisé : « Eh bien qu'ils puissent d'abord se retrouver dans ce projet et que les différentes sensibilités philosophiques et politiques s'y retrouvent et portent des candidats qui soient éligibles, qu'eux-mêmes incarnent ces ambitions et qu'ils aient l'expérience pour le faire puisque ce sont des responsabilités éminentes au niveau européen qui supposent d'avoir des expériences soit dans son pays soit déjà en Europe qui permettent d'avoir la crédibilité et du savoir-faire »

Le président français assure ne pas vouloir aujourd'hui avoir un débat sur les noms : « Je ne veux pas aujourd'hui que l'on parle de noms ou que l'on se rue sur les noms. Je pense que nous devons tenir compte de ce qui est sorti des rues et ce que le peuple européen a exprimé et nous devons aussi avoir des décideurs qui ont la crédibilité requise pour pouvoir agir. [La Danoise Margrethe Vestager], elle fait partie, comme M. Barnier, comme M. Timmermans, qui ont justement ces compétentes-là. Mais je ne veux pas aujourd'hui, moi en tout cas, avoir un débat sur les noms. Je veux avoir un débat sur le projet, les crédibilités et le projet ». 

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