De notre correspondant à Varsovie,
Nicolas Jerzyk nous donne rendez-vous dans ses bureaux à 19 heures. Horaire inhabituel et tardif pour la Pologne, où même à Varsovie, la plupart des salariés quittent le travail entre 16 et 18 heures.
Le jeune Français enchaîne les rendez-vous, les visites d’appartements. Moins de quatre ans après sa création, sa plate-forme d’achat et de location immobilière à destination des expatriés, Rentflatpoland.com, emploie, à temps plein ou en auto-entrepreneur, douze personnes, à Varsovie, Cracovie ou encore Gdansk.
Pourtant, avant de lancer son entreprise, le jeune homme ne connaissait rien à l’immobilier. Ni à la Pologne quelques années plus tôt.
« Je voulais partir au soleil, on me parle de la Pologne »
En 2005, Nicolas Jerzyk obtient son BAC, à Metz, au nord-est de la France. A 18 ans, il veut faire un BTS, une formation en alternance. « J’ai envoyé des CV, j’ai postulé un peu partout », décrit-il. « J’ai passé des entretiens, mais à chaque fois, j’ai été recalé. J’ai finalement pu faire un BTS classique, plus théorique. Mais j’ai décroché au bout d’un an. Les cours ne m’intéressaient pas. »
Pour gagner sa vie, Nicolas travaille alors dans un fast-food. Postulant en parallèle dans d’autres entreprises, le jeune homme n’obtient que des refus. Se disant qu’il peut avoir plus d’opportunités à l’étranger qu’en France, Nicolas demande conseil à sa mission locale.
Celle-ci lui parle du Service volontaire européen (SVE). Ce dispositif, financé par la Commission européenne, propose aux jeunes de 17 à 30 ans de faire pendant plusieurs mois du volontariat dans un pays étranger au sein d’une association. « Je voulais partir au soleil, en Espagne ou au Portugal. Et on me parle de Wrocław, en Pologne », ironise Nicolas. « Je ne connaissais rien au pays, mais je me suis dit que je n’avais rien à perdre. J’avais 19 ans, j’étais célibataire. Alors j’ai signé sans savoir ce que j’allais vraiment faire là-bas. »
Des études de commerce beaucoup moins chères en Pologne
Nicolas Jerzyk traverse l’Europe en bus, et part encadrer des enfants de personnes addicts à la drogue. « Je faisais du sport avec eux, des maths. J’essayais de leur apprendre quelques mots en français et en anglais », décrit-il. Pendant cinq mois, son expérience est financée par la Commission européenne, qui lui paie son logement, sa nourriture, et des cours de langue.
« C’est une grande opportunité pour quelqu’un comme moi, résume-t-il. Un jeune français habitant dans une contrée un peu reculée, qui a peu d’accès à des formations. On peut se faire des contacts, apprendre des langues étrangères. C’est une vraie chance. »
Visiblement, la Pologne lui a plu puisqu’il effectue un second SVE, cette fois-ci à Lodz, la troisième ville du pays, dans une association féministe. « J’étais le seul homme parmi une cinquantaine de femmes. J’étais là pour tenter d’apporter un autre point de vue », explique-t-il.
Son SVE achevé, il décide de s’installer à Lodz. Les études de commerce, en anglais, y sont beaucoup moins chères : environ 750 euros l’année contre au moins 5 000 euros en France.
C’est durant son cursus que Nicolas Jerzyk lance son premier projet, Jobpoland.com, une plate-forme d’offre de travail en Pologne pour les étrangers.
« Quand ils étaient embauchés, les expatriés nous envoyaient des e-mails pour savoir comment trouver un logement sur place. Ici, c’est difficile. Beaucoup de propriétaires n’acceptent pas d’étrangers, ne parlent pas anglais », raconte-t-il. C’est ainsi que naît Rentflatpoland.com, sa plate-forme d’achat et de location immobilière, fondée avec son associé polonais.
Une chance d’être dans l’espace Schengen
Si l’Union européenne lui a mis le pied à l’étrier, Nicolas Jerzyk constate aujourd’hui un autre avantage à être citoyen d’un pays de l’UE. Sa société compte des clients européens, mais aussi américains ou asiatiques. Et ces derniers ont beaucoup plus de difficultés que les premiers à s’installer en Pologne.
« Les Européens ne se rendent pas compte à quel point c’est compliqué de rentrer dans l’espace Schengen quand votre pays n’en fait pas partie. C’est un vrai parcours du combattant. En Pologne, j’ai l’impression qu’il y a beaucoup de refus de visas »,affirme-t-il. « Alors que moi, je peux voyager en Grèce, en Bulgarie, à Barcelone, sans difficulté. Je peux même aller y travailler, sans avoir besoin d’un permis. »
Mais Nicolas Jerzyk se voit bien passer sa vie en Pologne. Depuis la fenêtre de son bureau, il voit les grues et les chantiers de construction d’immeubles se multiplier à Varsovie, et avec eux, les perspectives de développement de son entreprise.
►Demain, la suite de notre série : Portraits d'Européens (4/5) : un Britannique à Berlin
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