Avec notre correspondante à Londres, Muriel Delcroix
Vaille que vaille, Theresa May, de retour devant les parlementaires, a de nouveau demandé leur soutien à un projet d'accord encore plus difficile à vendre qu'il ne l'était quelques eures auparavant : « Les négociations sont maintenant à un moment crucial. Tous nos efforts doivent être concentrés sur la collaboration avec nos partenaires européens afin de mener ce processus à terme, dans l'intérêt de tous les citoyens. »
Les uns après les autres, dans un brouhaha ininterrompu, les députés britanniques ont rejeté avec véhémence et colère le projet d’accord que la Première ministre voudrait tant leur faire approuver.
A commencer par la déclaration politique sur la future relation entre Londres et Bruxelles : « 26 pages de baratin » s’est emporté Jeremy Corbyn, et le chef de l’opposition Labour d’ajouter : « C’est le Brexit à l’aveuglette que tout le monde craignait, un saut dans l’inconnu… » Avant de conclure : « Mais qu’est-ce que le gouvernement a fabriqué ces deux dernières années ? »
Dans le camp même du gouvernement, les pro-Brexit les plus virulents, appuyés par les députés nord-irlandais du DUP, ont tour à tour exigé que Theresa May jette aux orties le backstop, le filet de sécurité concernant la frontière irlandaise. Un député conservateur a même suggéré que cette déclaration politique très vague ressemblait en fait à une « lettre au Père Noël ». Les Ecossais ont, par la voix du député SNP Ian Blackford exprimé leurs inquiétudes sur la protection de l’industrie de la pêche : « Les droits de pêche écossais sont balancés par dessus bord comme des poissons rejetés à la mer… Vous parlez d’une reprise de contrôle ! Ce sont plutôt les intérêts de l’Ecosse qui se retrouvent troqués… »
Enfin de leur côté, les parlementaires de tout bord opposés au Brexit qui voient là la preuve d’un accord beaucoup moins favorable que promis, ont réclamé plus que jamais l’organisation d’un second référendum.
A quatre mois du Brexit, des questions sans réponses
Les dirigeants des 27 Etats membres de l'UE sont censés donner leur feu vert à un accord final avec le Royaume-Uni dimanche lors d'un sommet européen. Mais le sort de l'enclave de Gibraltar ou encore la question des futurs droits de pêche des Européens dans les eaux britanniques font partie des principaux problèmes restant à résoudre pour conclure ces tractations d'une complexité inédite, à environ quatre mois du départ britannique.
En tête des problèmes qui n'ont pas encore été résolus : comment ne pas recréer une frontière physique entre l’Irlande et l’Irlande du Nord qui fait partie du Royaume-Uni ? La question a été repoussée : c’est tout le Royaume-Uni qui restera jusqu’en 2020 et possiblement jusqu’en 2022 dans le marché unique.
La question de Gibraltar qui semblait réglée entre Madrid et Londres se complique. Les Espagnols veulent pouvoir continuer à discuter avec Londres de l’avenir de Gibraltar après le Brexit. Pas question de signer un accord qui figerait la situation.
Troisième point, parmi tous les accords âprement négociés depuis 40 ans avec les Britanniques auxquels le Brexit mettra fin, il y a ceux qui concernent la pêche. Leur renégociation a été reportée au moins jusqu’en 2020, mais plusieurs pays dont la France veulent d'ores et déjà lier l'accès au marché européen pour les poissons pêchés par les Britanniques à l'accès aux eaux territoriales britanniques pour leurs bateaux de pêche.
Enfin, la coopération en matière de sécurité reste à définir. Selon le projet d'accord conclu entre Londres et Bruxelles sur leurs relations futures, le Royaume-Uni espère conclure en 2019 un traité de sécurité et de défense avec les Vingt-Sept n'a pas encore obtenu un accès garanti aux bases de données de l'Union européenne après le Brexit.