De notre envoyée spéciale à Skärholmen, Juliette Gheerbrant
À Skärholmen, des bâtiments sans âme autour d'une grande place et un marchand de fleurs entourent le centre communal. Dans ce district qui est l’un des plus pauvres de Stockholm, comme dans le pays, le vote est ouvert depuis le 22 août.
« Je pense que c’est très important, nous explique Lars Lindberg. Parce que le parti des démocrates suédois grandit et il faut qu’on vote pour qu’ils ne gagnent pas trop de pouvoir. Je n’aime pas ces gens, je ne veux pas qu’ils puissent prendre des décisions importantes pour la Suède. Et je n’aime pas le discours qu’ils tiennent sur les questions liées à l’immigration. » Ce Suédois de 51 ans était en déplacement, mais tient absolument à voter.
Peter est également convaincu de l'importance de son vote... mais pas pour les mêmes raisons. « Je pense que ceux que je veux voir au gouvernement ont besoin de ma voix, nous dit cet électeur de 62 ans. Je veux changer de gouvernement, on a besoin de quelque chose de nouveau. Il ne se passe rien, les écoles, les hôpitaux… la seule chose, c’est plus d’impôts, toujours plus d’impôts, et on a rien en échange ! »
Peter lui vote pour les Démocrates suédois. Pour lui l’immigration « est un très grand problème ». « Pourquoi ?! Eh bien… faites le tour de la place vous verrez : il n’y a presque pas de Suédois. Les gens viennent de partout, les prix sont trop élevés et aussi, il y a la criminalité… et le gouvernement prend ça tellement à la légère ! »
70% de la population est d'origine étrangère
Dans ce district où 70% de la population est d'origine étrangère, Lorena Delgado en est l’un des symboles. Cette femme de 44 ans est née dans une famille de réfugiés de la dictature chilienne. Lorena est la présidente du district et une élue du parti de gauche. Lors d’un entretien au café de la place, elle se souvient de 2015, lorsque la vague de réfugiés a surpris les autorités suédoises.
« Evidemment pour l'organisation de la ville ça a été un choc, mais on a pris les bonnes décisions, et on a réagi très vite pour que tout le monde soit pris en charge. Et maintenant, je dirais que c'est très calme, on n'a plus les gros problèmes qu'on a connus dans le passé ».
L'urgence pour selon elle c'est de réduire les délais de traitement de demande d'asile, pour que les gens ne restent pas quatre ans sans rien faire. « Il faut qu'on arrive à leur donner les outils pour qu'ils se débrouillent dans notre pays, c'est ça la vraie question sur l'immigration et pas tellement le nombre de gens qui arrivent, parce que la Suède a besoin que ces gens viennent travailler dans le pays. La question c'est de savoir comment on fait pour que les gens apprenent le suédois et trouvent du travail plus rapidement qu'aujourd'hui ».
Travail : les entreprises locales coopèrent
A Stockholm, le taux de chômage des habitants nés en Suède est de 3,1%, celui des habitants nés à l'étranger de 13,6%. Des résultats à faire pâlir d'envie nombre de pays européens. A l'agence pour l’emploi, Haris Trbonja, responsable à la trentaine élégante se félicite. « On fait un super boulot pour les gens qui ne sont pas là depuis longtemps, on coopère très bien avec les entreprises locales.
« Et on constate maintenant que le temps pour trouver un emploi quand on arrive a diminué de moitié depuis 2007. Il y a bien sûr encore beaucoup de travail, des problèmes à résoudre mais je pense qu'on va dans la bonne direction. » Et l’intégration explique-t-il spontanément, il connait : s’il est né en Suède c’est parce que ses parents ont fui la guerre de l’ex-Yougoslavie.
Retour sur la place de Skärholmen. Amir est assis sur un banc avec ses copains. Lui, c'est la guerre d'Irak que ses parents ont fui dans les années 1990. Et le résultat de dimanche prochain l'inquiète. « J’ai 19 ans, je vis en Suède et je vais voter cette année ! Si on ne vote pas les racistes vont peut-être gagner... et c’est bon pour personne. Je suis né ici, j’aime cet endroit, et je ne me suis jamais senti mal à l’aise en Suède. Mais on voit de plus en plus de gens racistes et je ne comprends pas pourquoi. Bien sûr que je suis un peu inquiet : parce que physiquement je ne ressemble pas à un Suédois, mais à l’intérieur de moi, je suis Suédois ».
Une identité qu'Amir ne laissera personne lui contester.