Avec notre correspondante à Istanbul, Anne Andlauer
Il y a ceux, comme Fatos, femme au foyer de 52 ans, auxquels la fin de l'état d'urgence ne fait ni chaud ni froid. Assise sur un banc dans le quartier central de Besiktas, elle dit se sentir en sécurité.
« En tant que simple citoyenne, je ne vois pas la différence, commente-t-elle. Ma vie n'a pas changé. Je continue d'aller et venir librement. Je ne sais pas si l'on sera mieux ou moins bien protégés sans état d'urgence, mais quoi qu'il arrive, je fais confiance à nos forces de l'ordre. »
Il y a aussi des Turcs comme Tolga, publicitaire de 38 ans, qui ne savent pas quoi en penser : « D'un côté, je suis pour le maintien de l'état d'urgence, car même s'il a permis d'attraper de nombreux putschistes et terroristes du PKK, ils sont encore nombreux parmi nous. D'un autre côté, j'aurais voulu un état d'urgence atténué, qui aurait notamment rendu aux gens le droit de manifester démocratiquement. »
Non loin de là, dans un café proche du Bosphore, Haluk Pehlivan ne cache pas son opposition au régime instauré par Recep Tayyip Erdogan et aux nouveaux pouvoirs qu'il s'est récemment octroyés. La levée de l'état d'urgence ne serait, dit-il, que de la « poudre aux yeux » :
« Sur le papier, la levée de l'état d'urgence et le retour à l'état de droit et à la démocratie sont bien sûr une bonne chose, estime-t-il. Cela devrait rassurer les investisseurs étrangers. En pratique, les nouveaux pouvoirs des préfets permettront à l'Etat de créer des sortes de " mini état d'urgence " au niveau local. »
Ce policier à la retraite fait référence à une nouvelle loi antiterroriste qui, de fait, fera passer l'état d'urgence dans le régime de droit commun. Les préfets pourront par exemple restreindre les déplacements de personnes jugées suspectes, et la durée maximale de garde à vue sera désormais de 12 jours. Sept jours de plus qu'il y a deux ans, avant l'état d'urgence.
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