Elue en 2014 pour un mandat de six ans, la présidente de la Cour suprême Malgorzata Gersdorf a été d'office mise à la retraite ce mardi par la présidence polonaise, conformément à la réforme introduite par les conservateurs au pouvoir. Celle-ci abaisse l'âge de départ à la retraite des juges de 70 à 65 ans, dans le but affiché d'éloigner les magistrats ayant commencé leur carrière avant la chute du communisme.
L'intéressée, qui avait auparavant refusé de quitter ses fonctions, n'a pas commenté la situation. Mais son porte-parole a indiqué qu'elle venait de désigner un juge de la Cour suprême, Jozef Iwulski, pour la remplacer « pendant son absence » et qu'elle avait l'intention de retourner travailler ce mercredi.
C'est ce même juge que le président Andrzej Duda a désigné pour assurer à partir de demain l'intérim après le départ de Mme Gersdorf, avant l'élection de son successeur en titre. Celui-ci ne pourra être choisi par le président que parmi cinq candidats désignés par un vote de l'assemblée générale des juges de la Cour suprême, qui ne pourra se réunir que lorsque la plupart des juges partis à la retraite auront été remplacés.
Seize juges sur 27 ont déposé une demande au chef de l'Etat pour continuer à exercer leurs fonctions. Onze ne l'ont pas fait, mais pourraient tenter malgré tout de rester à leur poste, en invoquant leur inamobilité prévue par la loi fondamentale. Les juges « retraités » prévoient d'entrer ce mercredi à la Cour suprême en procession, vêtus de leur toge, entourant Malgorzata Gersdorf.
Anxiété de Bruxelles
A Bruxelles, cette réforme de la Cour suprême est vue avec anxiété par la Commission européenne qui la considère comme une atteinte à l'Etat de droit en Pologne et susceptible de causer des dommages irréparables à l'indépendance de l'institution et donc de la justice, indique notre correspondant Pierre Benazet.
La Pologne a été placée sous surveillance par la Commission européenne il y a près de deux ans et demi à cause de tous les chantiers de réforme de l'appareil judiciaire, qu'il s'agisse de la Cour suprême, des tribunaux ordinaires ou encore du Conseil national de la magistrature. Selon la Commission, tous ces projets ne peuvent que constituer une menace pour la survie de la démocratie si le parti Droit et justice (PiS) parvient à asseoir une véritable mainmise sur la justice par le biais de ces réformes.
La lettre de mise en demeure, qui pourrait se solder par des sanctions financières, a été envoyée hier par la Commission avec un délai très court d'un mois. Mais le Premier ministre Tadeusz Morawiecki a d'ores et déjà clairement laissé entendre que l'attitude du gouvernement face à cette nouvelle procédure d'infraction ne varierait pas d'un pouce. On voit donc mal comment la Commission européenne va réussir à faire appliquer les normes européennes, car la Pologne bénéficie toujours d'un net soutien en Europe centrale pour les contourner.