Le compromis négocié prévoit la création de centres de rétention à la frontière entre l’Allemagne et l’Autriche, indique notre correspondant à Berlin, Pascal Thibault. Les migrants déjà enregistrés dans un autre pays européen resteront dans ces centres, en attendant d’être transférés dans le pays européen où ils ont déjà été enregistrés.
Cela se fera sur la base d’accords bilatéraux et lorsque cela n’est pas le cas - évidemment, cela vaut pour l’Italie -, le renvoi se fera vers l’Autriche. Cela également sur la base d’un accord entre Berlin et Vienne.
CDU et CSU sauvent donc la face, après un conflit qui a failli faire imploser leur alliance et le gouvernement. Angela Merkel, elle, souligne que l’Allemagne n’agira que sur la base d’accords négociés unilatéralement. La CSU et son ministre de l’Intérieur Horst Seehofer, qui restent en place, insistent pour leur part sur le renvoi de migrants déjà enregistrés dans d’autres pays (soit les « dublinés »).
Les sociaux-démocrates du SPD vont-ils accepter l'accord ?
Les deux camps se félicitent de cet accord, certes, mais il reste encore de très nombreuses inconnues. A commencer par la position des sociaux-démocrates : adhéreront-ils ou non à ce compromis ? Le partenaire de la grande coalition doit se prononcer et a demandé un délai : une nouvelle réunion des responsables de la grande coalition se tient ce mardi 3 juillet à partir de 18h.
Autre bémol : l’accord avec l’Autriche n’existe pas pour l’instant, sans parler de l’Italie. Les centres de rétention ne peuvent pas se mettre en place du jour au lendemain. Egalement, on ne parle que de la frontière germano-autrichienne, où trois passages sont contrôlés actuellement. Que se passe-t-il pour les migrants qui traversent cette frontière ailleurs ? Et pour tous ceux qui arrivent en Allemagne par d’autres pays que l’Autriche ? Autant de questions qui réduisent la portée de l’accord de lundi soir.
Vers les mêmes dispositions en Autriche, avec le risque d'un effet domino
Le gouvernement autrichien a très vite réagi, se disant « prêt à prendre des mesures pour protéger » ses frontières, rapporte notre correspondante à Vienne, Isaure Hiace. Dans un communiqué publié ce mardi matin, la coalition droite-extrême droite au pouvoir en Autriche s’inquiète du compromis trouvé par son voisin allemand lundi soir, qui doit encore être validé par le gouvernement.
L'idée de refouler vers l’Autriche les demandeurs d’asile qui arrivent en Allemagne et qui ne peuvent pas être renvoyés vers leurs pays d’entrée dans l’Union européenne ne plaît pas du tout au gouvernement autrichien. Vienne craint un afflux de migrants sur son sol et prévient : si cet accord est validé en Allemagne, le gouvernement autrichien n’hésitera pas à prendre des mesures similaires et pourrait donc refouler les demandeurs d’asile à ses frontières avec l’Italie et la Slovénie. Ce qui pourrait conduire à un effet domino en Europe.
Cette réaction du gouvernement autrichien n’est en tout cas pas une surprise. La protection des frontières est une de ses priorités. La semaine dernière encore, un exercice grandeur nature était organisé à sa frontière avec la Slovénie : des centaines de policiers et de soldats simulaient des contrôles. Le but : se préparer à un éventuel afflux de demandeurs d’asile.
L’Autriche qui, depuis dimanche dernier, assure la présidence tournante de l’Union européenne veut aussi montrer qu’elle ne restera pas inactive. Le chancelier Sebastian Kurz présentait d’ailleurs ce matin le programme de cette présidence devant le parlement européen à Strasbourg. Une présidence qui sera centrée sur la question migratoire.