Il a créé la surprise en menant une campagne incisive, offensive, qui a paru parfois déstabiliser Recep Tayyip Erdogan. Muharrem Ince a choisi de terminer cette campagne à Istanbul en tenant un rassemblement géant. Ils étaient des centaines de milliers, peut-être un million – cinq millions, a même affirmé le candidat du CHP – à venir le soutenir pour son dernier meeting.
La foule était tellement compacte que des dizaines de milliers de personnes sont restées à l'extérieur du périmètre, où des écrans géants diffusaient le discours du candidat. C'est le cas de Hatice et ses deux amies qui sont venues pour soutenir Muharrem Ince et qui espèrent un changement radical du régime politique en Turquie. « Le plus important, c'est la justice et le système judiciaire. Que les systèmes exécutif, législatif et judiciaire soient séparés. Que les médias soient indépendants. Que nous revenions au système parlementaire... C'est pour toutes ces raisons que nous sommes venues aujourd'hui », explique-t-elle au micro de notre correspondant, Alexandre Billette.
Muharrem Ince a promis de remettre l’économie en marche, de se rapprocher de l’Union européenne et de rétablir l’état de droit. « Demain, la Turquie sera totalement différente ! Demain, nous allons mettre fin aux discriminations ! Demain, nous allons mettre fin au favoritisme ! Nous allons mettre fin aux dilapidations de l’argent public ! Lundi à l’aube, il y aura un président qui tend la main à tous ! Pas un président de droite, ni de gauche, pas de l’AKP ni du CHP ; notre président à tous ! », a-t-il lancé.
Mais le candidat du CHP a également mis en garde ses sympathisants en leur demandant de surveiller les bureaux de vote jusqu'à leur fermeture et de dénoncer les irrégularités.
Côté Erdogan, l'enthousiasme n'y est pas
Plutôt qu'une démonstration de force, Recep Tayyip Erdogan a quant à lui choisi de tenir cinq mini-meetings dans différents quartiers d'Istanbul pour achever sa campagne, rapporte notre envoyée spéciale Anissa El Jabri. Mais aujourd'hui, cette ville qui a lancé sa carrière politique et dont il a été maire ne lui est plus favorable. Au printemps dernier, la capitale économique du pays a voté « non » au référendum attribuant des super-pouvoirs au président.
C'est là que Recep Tayyip Erdogan a commencé sa campagne, c'est là qu'il l'a achevée. Avec la même confiance. « Etre prof de physique est une chose, gérer un pays en est une autre », a-t-il lancé à l'adresse de son adversaire Muharrem Ince. « Monsieur Ince dit avoir réuni deux millions de personnes à Ankara ; j'ai eu les chiffres de la police : ils étaient 75 000. Monsieur Ince prétend avoir réuni 5 millions de personnes a Istanbul ; c'était 280 000. Tout ce qu'ils font, c'est mentir. Et demain, MA nation va lui donner une bonne leçon », a promis le président, sûr de lui.
La foule a applaudi, mais l'enthousiasme a été de courte durée. Les quelques milliers de personnes qui agitaient des drapeaux blanc bleu orange aux couleurs de l'AKP ont commencé à se disperser à peine le discours fini.
Pas moins de 500 000 observateurs, partisans ou indépendants, seront déployés dans les bureaux de vote à travers la Turquie pour ce qui s’annonce comme le scrutin le plus tendu en Turquie depuis l’arrivée au pouvoir de l’AKP en 2002.