Interdiction de la torture, droit à la liberté et à la sûreté du requérant, droit au respect de sa vie privée et droit à un recours effectif... Autant de règles fixées par la Convention européenne des droits de l'homme et qui n'auraient pas été respectées par Vilnius et Bucarest.
Concrètement, la Roumanie est accusée par la CEDH de s'être rendue complice du programme de détentions secrètes de la CIA, tandis que la Lituanie y aurait directement participé.
L'affaire remonte à 2011 et 2012, quand des prisonniers de la prison américaine de Guantanamo saisissent la Cour européenne. Tous deux assurent avoir été détenus dans des prisons secrètes par les renseignements américains dans ces deux pays, entre 2004 et 2006.
La Pologne déjà condamnée
Le premier, Abd al-Rahim al-Nachiri, un Saoudien, est soupçonné d'avoir perpétré l'attentat contre le navire USS Cole, qui avait tué 17 Américains dans le port yéménite d'Aden en octobre 2000. Il affirmait avoir été détenu au secret en Roumanie d'avril 2004 à septembre 2006.
Le second, Abou Zoubaida, un Palestinien apatride, est considéré comme l'un des principaux membres d'al-Qaïda par Washington au moment de son arrestation. Il se plaignait d'avoir été emprisonné en Lituanie pendant plus d'un an, de février 2005 à mars 2006. Il avait d'ailleurs déjà saisi la CEDH pour les mêmes raisons, mais cette fois contre la Pologne, condamnée en février 2015.
→ à (re)lire dans nos archives : Bush reconnaît et justifie les prisons secrètes
(avec AFP)
■ Le feuilleton lituanien
Cette décision n’est qu’une étape de plus dans le feuilleton des prisons secrètes de la CIA qui dure depuis près d’une décennie en Lituanie, commente notre correspondante à Vilnius, Marielle Vitureau. En 2009, les révélations d’un média américain font l’effet d’une bombe. Une commission d’enquête parlementaire conclut que toutes les conditions pour la présence d’une prison étaient réunies, aménagement des lieux et présence d’avions de la CIA en Lituanie, sans pour autant pouvoir affirmer que des prisonniers y ont séjourné.
Le gouvernement lituanien a toujours rejeté ses suppositions, affirmant que l’ancien centre équestre situé à 15 kilomètres de Vilnius ne servait que de soutien logistique. Une enquête a été rouverte par le parquet en 2014, suite à la visite du site en question par des députés européens, mais elle n’a toujours pas abouti. La décision de la Cour européenne ternit la réputation du pays, pour la présidente lituanienne Dalia Grybauskaite. La question est d’autant plus sensible en Lituanie, qui considère les Etats-Unis comme son plus grand allié. Pour le moment, Vilnius n’exclut pas de faire appel de cette décision.