Avec notre correspondant à Bruxelles, Quentin Dickinson
Il est vain ce vendredi d’attendre une réaction quelconque de la part de dirigeants des institutions de l’Union européenne, et ce malgré la demande de Carles Puigdemont d'être reçu par l'UE, ce vendredi 22 décembre. Tout au plus, les groupes politiques au Parlement européen rediront-t-ils leurs différentes positions déjà bien connues, mais ni Jean-Claude Juncker, ni Donald Tusk, ni Antonio Tajani, ne s’exprimeront officiellement, et cela pour trois raisons.
D’abord parce que le contexte juridique ne leur permet pas. L’Union européenne est un regroupement d’États, pas de régions, ni de municipalités, et les seuls interlocuteurs de la Commission européenne, du Conseil de l’UE et du Parlement européen sont les gouvernements régulièrement constitués de chacun des pays membres.
L'Europe craint un risque d'émiettement
Ensuite parce que le risque d’une interprétation abusive est bien réel. Les mouvements politiques eurosceptiques, voire franchement europhobes, sont constamment à l’affût de toute déclaration de source officielle européenne un peu maladroite et on ne peut se permettre ici par exemple de rajouter de la complexité à la négociation du Brexit alors que l’Écosse et le Pays de Galles se dressent de façon croissante contre le gouvernement de Theresa May.
Enfin parce que chacun sait qu’à titre personnel, les dirigeants des institutions européennes sont profondément opposés à ce qu’ils perçoivent comme un risque d’émiettement de l’UE. Ainsi Jean-Claude Juncker disait il y a peu qu’une Europe à 28 était déjà bien difficile à piloter et qu’une Europe composée de 97 régions serait absolument ingérable.
Ce vendredi, l'ancien président de la Généralité de Catalogne a proposé au Premier ministre, Mariano Rajoy, de le rencontrer hors d'Espagne, « pour des raisons évidentes », a-t-il dit lors d'une conférence de presse à Bruxelles ce vendredi, faisant référence aux poursuites pour "rébellion et sédition" dont il est l'objet.
Puigdemont veut rencontrer Rajoy
La Belgique est en première ligne dans cette crise espagnole, puisque c'est à Bruxelles que Carles Puigdemont s'est réfugié après le referendum d'octobre. Il reste dans cette situation ambiguë où son exil auto-imposé l’a placé. Le mandat d’arrêt européen lancé contre lui par l’autorité judiciaire espagnole a certes été annulé, mais il demeure inculpé, il serait donc arrêté et placé en détention dès son retour en Espagne s’il lui prenait la fantaisie d’en prendre le chemin.
Puigdemont a appelé le gouvernement central espagnol au dialogue. Il a proposé à Mariano Rajoy de le rencontrer, pas en Espagne, mais à Bruxelles ou alors quelque part en Europe. Carles Puigdemont n’a apparemment pas l’intention de quitter son exil doré en Belgique, mais sa proposition a d'ores et déjà été refusée par le Premier ministre espagnol.
L'ancien président de la Generalitat estime que le dialogue doit être relancé avec Madrid, mais que Rajoy doit aussi donner des gages en retirant les renforts de police qui ont été envoyés en Catalogne depuis le mois de septembre. Carles Puigdemont demande aussi à l’Union européenne d’entendre la voix des électeurs catalans. Il ne demande pas que l’Union européenne change d’avis et qu’elle arrête de soutenir le gouvernement central espagnol, ce qu’elle ne fera, en tout cas, certainement pas, mais juste d’être entendue.
Carles Puigdemont va donc rester en exil à Bruxelles. Il continue à estimer qu’il représente le gouvernement légitime de la Catalogne même si maintenant il faudrait qu’il soit investi, et pour cela qu’il retourne en Espagne, en droit de tout le danger pour lui.