Mikheïl Saakachvili brièvement arrêté à Kiev

Deux jours après que l'ancien président géorgien a rassemblé des milliers de personnes pour réclamer la destitution du président Petro Porochenko, la police a perquisitionné son appartement et l'a emmené dans un fourgon. Pas très loin, puisque les partisans de Mikheïl Saakachvili ont bloqué la rue et ont réussi à libérer l'homme politique.

L'ex-président géorgien Mikheïl Saakachvili, devenu opposant au pouvoir ukrainien, a été libéré ce mardi peu après son interpellation par la police à Kiev alors que des centaines de ses partisans bloquaient le fourgon qui le transportait. M. Saakachvili est sorti du véhicule et s'est dirigé vers le Parlement en compagnie de ses partisans.

En raison de la foule compacte qui entourait le véhicule de police, il n'était pas possible de savoir si la libération de M. Saakachvili était le résultat d'une action de force de ses partisans ou si la police avait cédé face à la foule. « J'appelle tout le monde à se rendre devant le Parlement ukrainien pour exiger la démission du président », Petro Porochenko, a lancé M. Saakachvili.

L'ex-président géorgien, farouche opposant à M. Porochenko qui l'a déchu de sa nationalité ukrainienne, avait été interpellé plusieurs heures plus tôt à l'issue d'une perquisition à son domicile à Kiev dans le cadre d'une affaire criminelle qu'il dénonce comme montée de toutes pièces sur ordre du président ukrainien.

Officiellement, Mikheïl Saakachvili est accusé de participation à une organisation criminelle, souligne notre correspondant à Kiev, Sébastien Gobert. Le procureur général l'avait auparavant accusé de préparer un coup d'Etat. Il risque la prison en Ukraine, mais aussi une expulsion vers sa Géorgie natale.

Guerre ouverte contre Porochenko

Mikheïl Saakachvili est en guerre ouverte contre le président Petro Porochenko depuis des mois, mais rien ne prouve qu'il prépare un coup d'Etat. Son mouvement est très controversé, mais il exprime un mécontentement profond dans la société ukrainienne.

En quelques mois, Mikheïl Saakachvili s’est mué en critique acerbe du président ukrainien. Bien que très modeste, son parti politique le « Mouvement des forces nouvelles », fédère des militants venus d’horizons très divers, de groupes d’anciens combattants du Donbass aux libéraux. Des partisans très remontés, qui ont réussi à tenir tête aux forces de l’ordre, visiblement désemparées, et à extirper leur chef du fourgon de police.

Soutien fidèle de l’opposition lors de la révolution de l’hiver 2013-2014, Mikheïl Saakachvili avait été nommé gouverneur de la région d’Odessa par Petro Porochenko qui lui avait aussi accordé la nationalité ukrainienne. Un an et demi plus tard, il avait démissionné avec fracas, accusant le président ukrainien de soutenir des clans criminels corrompus.

Cet été, alors qu’il était à l’étranger, l’opposant devenu gênant, a été déchu de sa nationalité ukrainienne, mais il a réussi à rentrer à Kiev en septembre. Depuis plusieurs semaines, ses partisans campent devant le Parlement et dimanche une manifestation de l'opposition a réuni plusieurs milliers de personnes En dépit de sa convocation judiciaire, et du risque d’extradition vers la Géorgie, Mikheïl Saakachvili semble déterminé à continuer à défier le pouvoir ukrainien. Il a appelé ses partisans à se mobiliser dans la rue pour obtenir le départ du président ukrainien.


ANALYSE

Avec notre correspondant à KievSébastien Gobert

L’image restera probablement dans les annales. A peine libéré de son fourgon de police, Mikheïl Saakachvili se rend sur le parvis d’une église de Kiev, empoigne un mégaphone d’une main encore enserrée par une paire de menottes, et remercie ses partisans pour sa liberté : « Vous n’avez pas permis qu’ils étouffent l’Ukraine ! Je suis prêt à donner ma vie, ma liberté pour l’Ukraine, et pour libérer le pays des oligarques ! »

Libéré par la force par ses partisans, Mikheïl Saakachvili l’a échappé belle. Il appelle maintenant à continuer la lutte, pour obtenir des réformes structurelles, des résultats dans la lutte contre la corruption, et la destitution du président Petro Porochenko.

Dans le même temps, à la tribune du Parlement, le Procureur général présentait aux députés son enquête prouvant que Mikheïl Saakachvili est payé par des proches du Kremlin : « J’offre 24h à ces criminels pour se présenter à la justice. Personne ne s’opposer à l’Etat ukrainien, personne ne peut soutenir le plan du Kremlin ! »

L’ultimatum de Iouriy Loutsenko trahit le fait que les autorités sont désemparées, après leur arrestation manquée. Mikheïl Saakachvili n’en mène pas plus large : il ne mobilise que quelques centaines de partisans, et n’a pas les moyens d’imposer des changements politiques. La journée a certes été rocambolesque. Mais elle ouvre des lendemains très incertains.

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