Avec notre correspondant à Istanbul, Alexandre Billette
Comme le soupçonnaient les autorités turques, l’attentat a été revendiqué par l’Etat islamique lundi matin dans un communiqué diffusé notamment en turc sur les réseaux sociaux. Ce communiqué évoque d'emblée l’Etat « apostat » de la Turquie, « protecteur de la croix » au service des chrétiens.
La Turquie fait désormais partie des pays « cible »
L’organisation terroriste mentionne également les actions de la Turquie en Syrie où l’aviation et l’artillerie turque font couler le sang des musulmans, et promet de continuer à cibler la Turquie pour cette raison.
La Turquie reste déterminée à poursuivre son offensive militaire contre le terrorisme dans le nord de la Syrie, après l'attentat d'Istanbul, a cependant déclaré celundi le porte-parole du gouvernement turc. Cette attaque « est un message destiné aux opérations extérieures, à commencer par l'opération "Bouclier de l'Euphrate" visant l'EI et des milices kurdes, a déclaré Numan Kurtulmus. Nous continuerons à mener nos opérations extérieures avec détermination ».
L’EI était déjà le suspect numéro un en raison de la méthode et aussi de la cible visée mais l'organisation n’avait jamais auparavant revendiqué officiellement d’attaques sur le territoire turc, même si plusieurs attentats commis en 2016 lui ont été attribués. Pour la toute première fois donc, Daech officialise en quelque sorte que la Turquie fait désormais partie de ses cibles en revendiquant ce lundi matin l’attentat de la discothèque d’Istanbul.
Le PKK kurde avait, de son côté, fait une contre-revendication par le biais d'un de ses leaders. Ce dernier a affirmé dimanche soir que le groupe kurde n’avait aucune responsabilité, aucun lien dans l’attaque de la discothèque Reina. Ce que confirme Jean Marcou, spécialiste de la Turquie et professeur à Sciences Po Grenoble. « Ce mode opératoire est un nouveau en Turquie puisque jusqu’à présent les attentats... attribués aux jihadistes [et] non revendiqués étaient... commis par des ‘’suicides bombers’’ – des kamikazes qui se sont fait sauter dans des espaces peuplés ». Par contre les attentats revendiqués par l'organisation terroriste kurde, les Faucons de la liberté du Kurdistan, sont eux commis par à distance et ciblent des policiers ou des militaires même s'ils touchent également des victimes civiles.
Le mode opératoire de l’homme, qui aurait donc agi seul, s'est précisé selon les derniers éléments de l’enquête et notamment des témoignages regroupés de personnes à l’intérieur de la boîte de nuit : un homme qui serait arrivé en taxi devant cette discothèque, qui aurait sorti une arme - un fusil d’assaut - d’un grand sac, pour abattre d’abord un policier à l’extérieur, avant de pénétrer dans la discothèque. Le tireur aurait vidé deux chargeurs en tirant dans la foule. Il aurait pu également avoir lancé une grenade offensive avant de changer de vêtements et de s’enfuir, en profitant du chaos dans la boîte de nuit.
L'enquête avance puisque l'on apprenait à la mi-journée que huit personnes avaient été placées en garde à vue dans ce dossier.
Failles dans la sécurité
Cet attentat interpelle sur d’éventuelles failles des services de sécurité et aussi dans les services de renseignements. Depuis le coup d’Etat raté de cet été, et même bien avant, la police, les renseignements, le ministère de l’Intérieur, ont été purgés des éléments proches de l’imam Fethullah Gülen, l’ennemi numéro un du pouvoir turc. Deux questions se posent notamment : d’abord est-ce que ces purges n’ont pas en quelque sorte décapité les services, puisque les fidèles de l’imam Gülen étaient très nombreux précisément dans ces secteurs.
Et ensuite par qui ont-ils été remplacés ? Par des policiers souvent très jeunes que l’on a peut-être moins contrôlés. C’est une question qui s’était déjà posée après l’assassinat de l’ambassadeur russe en décembre, justement par un jeune policier. Et c’est une polémique qui risque de prendre encore plus d’importance dans les tout prochains jours.