De notre envoyée spéciale à Bratislava,
Une conférence de presse de François Hollande et Angela Merkel, comme pour mieux souligner qu’ils tiennent la barre, qu’ils sont bien aux commandes de l’Union européenne. Depuis le vote des Britanniques pour le Brexit, la chancelière allemande et le président français se sont réunis à plusieurs reprises, multipliant les déplacements. Angela Merkel était d’ailleurs ce jeudi 15 septembre une fois de plus à l’Elysée pour finaliser les propositions soumises aux 25 homologues à Bratislava.
L’idée de ce sommet était dans un premier temps de poser un diagnostic, puis d’essayer d’avancer des solutions. Le diagnostic est simple : l’Europe est en crise, affaiblie par le terrorisme, le dossier des migrants, les populismes et le Brexit, qui a porté en quelque sorte le coup de grâce. Il fallait donc mettre les choses à plat et analyser la situation. Concernant les négociations sur le départ du Royaume-Uni, le président du Conseil européen Donald Tusk a déclaré tard dans la soirée que les 27 étaient « fin prêts » pour « déclencher la procédure » ce samedi 17 septembre.
Divisions
Mais les dissensions entre les pays membres restent nombreuses. Entre ceux qui veulent moins d’Europe, ceux qui plaident au contraire pour une Europe plus sociale, ceux qui refusent les quotas de migrants, tous font un seul et même constat : il faut agir pour relancer le projet européen. « Nous sommes dans une situation critique », a dit Angela Merkel. « L’Europe est devant une épreuve », selon François Hollande, qui estime que le risque de dislocation ou de dilution est là, faute d’actions concrètes.
Les fissures sont nombreuses, notamment du côté des pays de l’Est – Pologne, République tchèque, Slovaquie et Hongrie –, qui critiquent régulièrement les politiques européennes et qui plaident pour un retour des pouvoirs délégués à Bruxelles vers les Parlements nationaux. Mais même au sein de ce groupe, des dissensions sont apparues ces derniers jours, selon des sources diplomatiques.
Quelles solutions ?
Sécurité, défense, croissance et jeunesse. Voilà les priorités, qui ne sont pas vraiment nouvelles, puisqu’elles avaient été avancées au lendemain du Brexit en juin dernier. La feuille de route reprend des thématiques plutôt consensuelles, car l’objectif était de resserrer les rangs autour de quelques projets clés. L’un des sujets majeurs, c’est la relance de la défense européenne. L’idée est poussée par le couple franco-allemand, et soutenue par quasiment tous les autres pays. « Nous avons une responsabilité à assumer dans la lutte contre le terrorisme », a déclaré François Hollande ce vendredi soir.
Autre sujet qui fait consensus, le renforcement de la protection des frontières intérieures et extérieures de l’Union. Ce qui a permis d’évoquer la question sensible de l’immigration, quipour sa part divise les Vingt-Sept et qui provoque une levée de boucliers de pays comme la Hongrie. Les Européens se sont notamment mis d’accord sur la nécessité d’intensifier leur coopération. Les personnes venant de l’extérieur de l’Union européenne seront systématiquement enregistrées dans un système calqué sur celui des Etats-Unis.
« Nous devons encore renforcer les frontières extérieures », a martelé François Hollande, quand Angela Merkel a rappelé l’objectif de « stopper l’immigration irrégulière » et de « combattre les causes profondes des migrations qui déstabilisent l’Europe ». Parmi les moyens renforcés annoncés lors de cette conférence de presse, il y a la mise en œuvre avant la fin de l'année du corps des gardes-frontières et l'aide aux pays en difficulté.
Pas de trace, en revanche, du sujet sensible des relocalisations de réfugiés pour soulager l’Italie et la Grèce, une façon de calmer les pays de l’Europe centrale, Hongrie en tête, qui refusent toute idée de quotas de migrants. Mais l'occasion aussi, d'énerver Matteo Renzi, insatisfait des conclusions du sommet. Le président du Conseil italien a regretté qu'il n'y ait aucune avancée significative sur ce dossier. Le Premier ministre hongrois, qui rechigne à accueillir des migrants, s'est montré encore plus critique, qualifiant le comportement de l'Union européenne de naïf.
« Cette réunion a-t-elle été en mesure d'apporter un changement à la mauvaise politique de Bruxelles en matières de réfugiés ? La réponse est non. Nous n'avons pas été capables de la changer. Mais en même temps, je suis persuadé que nous devons atteindre cet objectif », a martelé Viktor Orban, qui organise un référendum controversé sur la question des quotas de migrants le 2 octobre prochain.
Pas de proposition économique
En revanche, pas de proposition concrète sur le volet économique. Un doublement du plan d’investissement Juncker avait été évoqué, mais Angela Merkel et François Hollande ne l’ont pas mentionné, se contentant de renvoyer les questions économiques au sommet européen de décembre. Le président a quand même souligné que « la protection, la prospérité et l’avenir de la jeunesse » étaient aussi les priorités.
Mais la concrétisation parait encore loin. Les représentants de l’Union européenne expliquent qu’il s’agissait ce vendredi d’initier un processus et qu’il ne fallait donc pas s’attendre à de grandes décisions aujourd’hui. L’objectif était de s’accorder sur les priorités sur lesquelles il va falloir travailler les six prochains mois. « Bratislava est un pas sur une longue route », a prévenu Angela Merkel.
« C’est le point de départ d’un travail intense. » Une autre réunion informelle se tiendra sans doute à Malte en début d’année prochaine, en février. Les grandes décisions sont, elles, renvoyées vers un autre sommet prévu lui à Rome à l’occasion des 60 ans du traité fondateur de la construction européenne, ce sera en mars 2017. Un bilan d’étape sera fait à Malte en février.