Avec notre correspondant à Varsovie, Damien Simonart
Organiser le sommet dans la capitale polonaise où fut signée en 1955 l'alliance militaire des pays satellites autour de l'Union soviétique est déjà tout un symbole.
L'Est sera au cœur de ce sommet : une présence renforcée de l'Otan dans les pays baltes et en Pologne, avec quatre bataillons d'environ 800 hommes, déployés par rotation, à partir de 2017. « La décision de renforcer la présence actuelle des forces de l'Otan avec quatre bataillons multinationaux, un en Pologne et un dans chaque pays balte, envoie un message très clair que l'Otan est prête à protéger et à défendre chaque coin de son territoire », explique le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg.
Car la Pologne et les pays baltes se sentent menacés. Et même si cette présence reste limitée, elle est destinée à faire réfléchir tout éventuel agresseur. A commencer par la Russie, menace « potentielle » aux yeux de l'Otan.
L'Otan n'a pas encore décidé où seront stationnés les bataillons, mais le président polonais Andrzej Duda se réjouit de l'annonce. Malgré les tensions récurrentes avec Moscou, il ne ferme pas la porte au dialogue avec le Kremlin, sous certaines conditions : « Lorsque la Russie respectera le droit international, alors on pourra parler d'elle comme d'un partenaire avec qui on peut avoir un dialogue sérieux. »
5 000 hommes déployables en 48h
L'annonce de déploiement de troupes en Europe de l'Est cache toutefois une autre réalité. D'après le général américain Ben Hodges, en cas d'attaque, malgré le déploiement de bataillons de l'Otan, les divisions russes mettraient moins de trois jours à atteindre Tallinn ou Riga.
Par ailleurs, l’Alliance concrétisera à Varsovie son concept de force à haut degré de réactivité avec 5 000 hommes déployables en 48 heures. L’objectif est de rendre plus agile une organisation militaire de 28 membres.
L'Otan devrait également réaffirmer son objectif : 2% du produit intérieur brut (PIB) des pays membres consacrés à la défense, sur lesquels 20% devront être investis dans les équipements.
Bouclier anti-missile et cyberespace
Concernant le bouclier anti-missile en Europe, une capacité initiale sera annoncée à Varsovie. Les premiers intercepteurs sont en place sur la base de Deveselu en Roumanie, mais le circuit de décision précédant un tir reste américain. La France souhaite faire évoluer le contrôle « politique » du bouclier.
Enfin, le cyberespace devient un nouvel espace de bataille couvert par l'alliance, au même titre que l'espace aérien ou maritime ou terrestre. Plutôt que de remettre la sécurité de ces systèmes informatiques à l'Otan, la France plaide pour davantage d'investissements individuels de la part des pays membres.
Le rôle de la Russie dans la crise ukrainienne
La chancelière allemande a devant le Bundestag, le Parlement allemand, défendu la décision de l'organisation de renforcer sa présence en Europe de l'Est en raison de la perte de confiance dans les pays concernés dans leur voisin russe, due au rôle joué par Moscou dans la crise ukrainienne.
« La rencontre des chefs d'Etat et de gouvernement à Varsovie s'inscrit dans une période marquée par une modification sensible de la situation en Europe et aux marges de l'Europe en matière de sécurité. Le rôle de la Russie dans la crise ukrainienne a profondément ébranlé nos alliés à l'Est. Lorsque la prévalence du droit et l'inviolabilité des frontières sont remises en cause par des mots et des actes, alors la confiance recule. Nos alliés sont en droit de bénéficier du soutien de l'Otan. Ces déploiements de forces supplémentaires sont purement défensifs ; ils ne sont pas dirigés contre la Russie et ne remettent pas en cause l'équilibre stratégique entre l'Otan et la Russie. Notre main reste tendue en faveur d'une plus grande transparence et du dialogue avec Moscou », a déclaré Angela Merkel devant le Bundestag.
Entre la Russie et l'Otan, une véritable « montée des tensions »
Maria Lipman, rédactrice en chef du magazine Counterpoint, édité par l'Institut des recherches russes, européennes et asiatiques de l'université George Washington, évoque les tensions actuelles entre la Russie et l'Otan et affirme que l'on est « au stade de la confrontation ».
« Si on examine la situation actuelle et la période du printemps 2014, avec l’annexion de la Crimée, on peut parler de confrontation et de l’impossibilité de trouver un accord. La dernière tentative de discussion entre la Russie et l’Otan en avril a échoué complètement et les parties ont reconnu qu’elles n’arrivaient pas du tout à s’entendre. Depuis, les incidents dangereux se multiplient, comme quand des avions russes se rapprochent dangereusement des navires de guerre américains. Il y aussi l'augmentation des capacités militaires, d’une part en Europe de l’Est, et d’autre part sur le territoire russe, à l’ouest de la Russie. On constate une espèce de confrontation, pas à proprement parler militaire, mais une véritable montée des tensions », affirme Maria Lipman.
A (RE)ECOUTER → L'Otan, un outil efficace, pour qui et pourquoi ?