Avec notre envoyée spéciale à Edimbourg, Anastasia Becchio
Dans le brouhaha de l'une des cantines du campus de l'université d'Edimbourg, il n'est pas rare d'entendre des bribes d'espagnol, d'italien ou de français. En Ecosse, 16% des chercheurs viennent d'autres pays européens. Une diversité qui risque d'être mise à mal à cas de victoire du camp du Brexit, selon Philipp Grant du département des sciences sociales et politiques : « Les universités ont su très bien européaniser la recherche. J’ai travaillé sur un projet qui est financé par le Conseil européen de la recherche. Les universités britanniques reçoivent beaucoup plus de financements de ce conseil que de l’Etat britannique. Ça va être très compliqué ».
Cette inquiétude est partagée par Alistair Hunter, chercheur spécialiste des migrations nord-africaines qui envisage déjà une solution de repli : « Dans le cas d’un Brexit, je vais demander la nationalité irlandaise pour que je puisse travailler en Europe. Je viens de revenir de la France ou j’ai travaillé pendant un an. Et je n’aurai plus le droit de travailler en tant que citoyen européen si on quitte l’Union européenne. Donc pour moi, c’est vraiment un souci ».
Les universités écossaises reçoivent plus de 115 millions d'euros par an de diverses sources européennes.
■ Les Français en Ecosse
La spécialité de Cyril Barthelme, ce sont les desserts. Ce jeune Alsacien a ouvert il y a 6 ans sa « Pâtisserie Maxime » dans le centre de la capitale écossaise. Comme beaucoup d'entrepreneurs étrangers ici, il s'inquiète de l'issue du référendum : « Quand on gère une pâtisserie française, on s’appuie beaucoup sur les produits importés. Forcément, je perds de l’argent parce que le taux de change a diminué. Tout le monde, qui travaille ici et qui vit ici, veut un pound qui est fort. Et pour avoir un pound fort, il faut que les investisseurs aient confiance en l’économie. Une Ecosse ou un Royaume-Uni dans son ensemble, en dehors de l’Union européenne, fait que les investisseurs sont plus frileux ».
Inquiétude également au centre d'art St Margaret's House qui abrite des studios d'artistes, parmi lesquelles Mona et Tania. La première est costumière, maquilleuse, la deuxième marionnettiste, vivant en Ecosse depuis 25 ans. Ce qui les déstabilise le plus, c'est qu'elles n'ont aucune idée de la façon dont les choses pourraient tourner si le Brexit l'emportait : « Ça fait 13 ans que je suis ici et je me demande si je vais devoir demander des visas, est-ce que je vais avoir le droit de rester, est-ce que je vais devoir retourner en France ? Ma vie, elle est ici. Donc ça fait peur. Je suis arrivée en 1991 et ce qui me dérange beaucoup, c’est le fait qu’on ne puisse pas voter. En ayant vécu 25 ans dans le pays, on n’a pas le droit de voter ». Tania et Mona n'iront donc pas voter, mais elles suivront avec attention le choix qu'exprimeront demain ceux avec lesquels elles partagent leur vie depuis de nombreuses années.