On va tous rater le «Baccalauréat» du Roumain Cristian Mungiu

Déjà Palme d’or en 2007 avec « 4 mois, 3 semaines, 2 jours », le réalisateur roumain Cristian Mungiu, 48 ans, est un des très grands favoris pour la Palme d’or 2016 qui sera décernée ce dimanche 22 mai. « Baccalauréat » raconte l’histoire d’une élève modèle qui risque de rater son bac après une agression. L’action se déroule dans une cité banale d’une petite ville de Transylvanie, mais touche à l’universel. Avec un réalisme effroyable, Mungiu filme les soubresauts de l’ordre moral à tous.

Envoyé spécial à Cannes,

Avez-vous déjà vécu ce cauchemar d'avoir raté le bac ? Le réalisateur roumain Cristian Mungiu nous raconte un jeu cinématographique à trois bandes. Le point de départ est l'histoire d’Eliza, très bonne élève en train de passer son bac. Juste avant les premières épreuves, elle est victime d'une agression et risque de rater l'examen. Son père va alors tout mettre en œuvre pour qu'elle réussisse.

Le poison des petits arrangements

L'histoire, scénarisée et filmée avec une extrême précision, est en fait un jeu troublant avec notre morale. A la fin, il n'y a que des perdants dans cette histoire : nous tous. Cette remise en question de toute une vie concerne toutes les sociétés. En longs plans-séquences, Mungiu passe sous le scanner tous les petits arrangements de nos vies quotidiennes : la géométrie variable de nos valeurs, l'appât du gain, la grande corruption, les pots-de-vin et passe-droits indolores, la lâcheté vicieuse et banale. Le chef de file du nouveau cinéma roumain met scrupuleusement en lumière les limites entre compromis et compromission. Une fois la ligne rouge franchie, il n’y a aucun retour en arrière possible.

Une Roumanie corrompue et malade

Que dire sur Romeo (remarquablement interprété par Adrian Titieni), le père d’Eliza, un médecin réputé et jusqu’ici honnête à l'hôpital ? Il vit avec sa femme, une bibliothécaire effacée, et sa fille dans un petit appartement. Une vie calme et sans grands soucis au prix d’une désillusion complète. Sa seule ambition restée intacte depuis son retour en Roumanie après la révolution de 1989 ? Romeo veut à tout prix que sa fille fasse des études dans une prestigieuse université anglaise, loin de cette Roumanie corrompue et malade. Pour cela, elle a besoin d'une moyenne de 18 points au bac.

La complicité des corrompus accapare la société

Et puis survient l'incident. Sur le chemin de l'école, un inconnu essaie de la violer sur un chantier près de l’école. Car ce jour-là, le père n'avait pas déposé sa fille devant le lycée. Il était voir sa maîtresse avant d’aller travailler à l'hôpital. Résultat : traumatisée et blessée au bras, sa fille va rater son premier examen. Pour la première fois, le père fait jouer ses relations. Un coup de fil chez le proviseur en échange d’une transplantation de foie. Romeo gagne la complicité des corrompus, mais perd toute crédibilité auprès de lui-même.

A la place de nous tous

La fin justifie-t-elle les moyens ? L'incident fera exploser tout le système de valeurs et le système familial. Et bien trop tard nous découvrons le génie impitoyable de Mungiu. Le médecin Romeo vit cette épreuve redoutable à notre place à tous.

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