L'exercice annuel de dialogue avec les Russes consiste surtout, pour le président, à essayer de rassurer ses concitoyens en ce qui concerne la crise économique, explique notre correspondante à Moscou, Muriel Pomponne. La fumée est-elle noire ou blanche ? Grise, répond-il, pouvant laisser l'impression que le cœur n’y est pas.
En fait, le numéro un russe est confronté à la plus longue récession de son règne. Et le produit intérieur brut (PIB) sera encore en berne cette année : -0,3 %. Une « petite baisse », commente Vladimir Poutine, qui se veut « optimiste » et précise que cela ira encore mieux en 2017. « La situation ne s'est pas encore rétablie, mais la tendance est positive », assure-t-il, prévoyant 1,4 % de croissance l'an prochain, contre 3,7 % de récession en 2015.
De son côté, le Fonds monétaire international s'est montré plus raide mardi, prévoyant une baisse de 1,8 % du PIB en 2016, et une croissance de seulement 0,8 % l'année suivante. La faute à l'effondrement du marché pétrolier et aux sanctions des Occidentaux, notamment. Mais Vladimir Poutine vante la croissance du secteur agricole, la construction de logements, le faible niveau du chômage dans le pays, l'excédent commercial ou encore la reconstitution des réserves de changes.
Problème : la crise russe affecte le pouvoir d'achat des Russes et crée de la pauvreté. A un auditeur qui se plaint que les prix ont doublé, alors que l’inflation officielle est de 12 %, il répond que « ça dépend des produits », que « le gouvernement ne ment pas ». Mais il reconnaît une baisse des revenus réels pour les Russes, et martèle qu'il faut « changer la structure de l'économie » pour la rendre moins dépendante des hydrocarbures. « C'est très difficile, mais malgré tout nous avançons dans cette direction. »
Les intervenants russes focalisés sur la situation intérieure
Même la Crimée ne semble plus être un moyen de bomber le torse. M. Poutine le concède : pour l’instant, les Criméens ont beaucoup de coupures de courant. Mais bientôt, « vous aurez autant d’électricité qu’à l’époque de l’Ukraine et même plus », garantit le chef de l'Etat.
Pendant l'émission, la politique extérieure est à peine évoquée. Le président russe se félicite tout de même d’avoir laissé, en Syrie, une armée nationale en état opérationnel, qui s'est montrée en mesure de reprendre Palmyre, même si la situation est plus difficile à Alep. Il estime que l’intervention de son pays a favorisé le processus de réconciliation, et compte désormais sur le succès du dialogue politique.
Au passage, une pique contre le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui « coopère avec les radicaux », assène M. Poutine. Quand on lui demande : « Si Porochenko et Erdogan sont en train de se noyer, lequel allez-vous sauver le premier ? », il rétorque, dans une pirouette, qu'on « ne peut pas sauver quelqu'un qui veut se noyer ».
Dans des déclarations à la presse après son émission, le président russe a affirmé que les autorités russes étaient en contact avec Kiev pour négocier un possible échange de prisonniers impliquant la pilote ukrainienne Nadia Sactchenko, emprisonnée pour complicité de meurtre en Russie.
→ Écouter sur RFI : La politique étrangère de Poutine, reflet des fragilités russes ?