Des questions se posent ouvertement dans la capitale belge, relate notre correspondante à Bruxelles, Laxmi Lota. Et l'information publiée ce samedi 26 mars n'est pas de nature à calmer les choses. Deux quotidiens ont en effet révélé que la police avait été contrainte de communiquer via l'application WhatsApp le jour des attentats.
Une enquête a en fait été ouverte, concernant une panne du réseau de communication « Astrid », destiné aux services de secours et de sécurité, mais qui a cessé de fonctionner pendant des heures mardi dernier. Au pire moment, donc. Selon un porte-parole de la police, les opérations de secours n'en ont ainsi été rendues que plus difficiles...
La veille de ces révélations, vendredi 25 mars, trois ministres - Didier Reynders aux Affaires étrangères, Jan Jambon à l'Intérieur et Koen Geens à la Justice - avaient déjà dû s'expliquer sur d'éventuelles autres failles, devant le Parlement de Belgique, alors qu'une commission d'enquête parlementaire aux pouvoirs étendus a été mise en place.
Car avant leur audition, le Premier ministre Charles Michel avait refusé la démission des ministres de l'Intérieur et de la Justice, qui avaient pourtant reconnu « des erreurs ». Vendredi devant les parlementaires, les ministres ont finalement mis en cause le « flou » des informations transmises depuis la Turquie au sujet d'Ibrahim El Bakraoui, l'un des kamikazes de l'aéroport de Zaventem.
Jan Jambon n'a notamment pas mâché ses mots concernant la faute commise selon lui par un policier belge, en poste à Istanbul, qui aurait tardé à transmettre l'information du renvoi d'El Bakraoui de Turquie à la cellule antiterroriste de la police de Bruxelles. « Il a gaffé », a-t-il dit, parlant d'une personne négligente, ni très pro-active, ni très engagée à ses yeux. Le syndicat libre de la fonction publique, SLFP Police, a réagi, accusant le ministre d'entamer un « sale petit jeu politique ».
L'audition de Salah Abdeslam ne passe pas
Le bourgmestre de Schaerbeek, la commune bruxelloise où les attentats de mardi ont été préparés, parle de son côté de « couacs au niveau des services de renseignement ». Et pour sa part, l'éditorial du quotidien belge Le Soir était vendredi sans appel. Intitulé « Crise politique belge : des failles béantes », il évoque lui aussi des « dysfonctionnements sérieux de la police et de la justice ».
« On n’est plus dans le " Belgium bashing " caricatural, mais bien dans un cas concret qui met en lumière des fautes lourdes », constate Le Soir, alors que l'avocat de Salah Abdeslam, comme Le Monde, nous apprend que ce dernier, pourtant seul survivant des commandos parisiens du 13 novembre, n'aurait pas suffisamment été interrogé après son arrestation quelques jours avant les attentats de Bruxelles.
« Salah Abdeslam a été entendu au lendemain de son arrestation, le 19 mars, au siège de la police fédérale, à Bruxelles. D'abord par les policiers, puis, quelques heures plus tard, par la juge d'instruction. Environ une heure chaque fois. Un temps qui semble bien court compte tenu de la valeur de ce prévenu », écrit sans retenue le quotidien français, qui parle d'un audition « assez sommaire, truffée d'incohérences ».
Cela « montre que les enquêteurs ont peut-être raté une occasion d'obtenir des renseignements qui auraient pu permettre de déjouer les attentats du 22 mars. Abdeslam y est surtout interrogé sur le déroulé des faits le 13 novembre. Les policiers tentent bien d'en savoir plus sur ses complicités à Bruxelles, l'aide logistique et amicale dont il a pu bénéficier durant ses 125 jours de cavale dans la capitale. Mais l'interrogatoire n'est pas poussé », observe Le Monde, procès-verbaux d'audition à l'appui.
Le parquet fédéral a répondu vendredi, suite aux propos de l'avocat de Salah Abdeslam à ce sujet, que le jeune homme détenus avait fait usage de son droit au silence dès sa deuxième audition. La loi est la loi, mais la polémique, après ces auditions de M. Abdeslam et tout le reste, risque de ne pas se dégonfler, notamment entre hommes politiques et policiers belges.