De notre envoyé spécial à Barcelone,
« Aigre-douce », le mot est à la une du quotidien régional El Periodico de Cataluña. En effet, les deux conditions qui avaient été posées pour se lancer dans ce projet d’indépendance, de scission avec l’Espagne, étaient d’obtenir comme vous l’avez dit, la majorité absolue au Parlement, c'est-à-dire au minimum 68 des 135 sièges. C’est chose faite puisque le résultat cumulé des deux formations indépendantistes atteint 72 sièges. Par contre la seconde condition c'était d’obtenir une majorité de voix. Et là, elles n’ont pas atteint les 50,1 % de voix, mais 47,8 %. Du coup, la Candidature d’unité populaire (CUP), la gauche radicale catalane, pourrait ne pas suivre le pas de la coalition « Junts Pel Si », « Ensemble pour le oui », qui a remporté, elle, 62 sièges et qui souhaite se lancer dans des discussions avec l’Etat espagnolpour négocier sa sortie du pays.
Des négociations envisagées pour plus d'autonomie
Cela signifie que pour faire de la Catalogne une nation, il faudra désormais attendre de voir si la gauche radicale suit ou pas la coalition « Ensemble pour le oui ». On en saura un peu plus au moment de la nomination du nouveau chef du gouvernement. Si la coalition « Ensemble pour le oui » choisit Artur Mas, le président sortant, qui a été le chef de file de cette campagne, cela risque de créer des crispations à la fois avec la CUP, la gauche radicale, mais également au sein même de cette coalition qui est formée entre autres par une partie conservateur « Convergencia » et la gauche nationaliste. Et les électeurs de gauche qui ont voté en faveur d’« Ensemble pour le oui » verraient d’un mauvais œil la nomination du conservateur Artur Mas, selon ceux que RFI a interrogés.
A Barcelone, de nombreux experts estiment qu’il va falloir attendre les élections générales espagnoles du 20 décembre prochain pour savoir comment évoluera la situation. Le Parti populaire (PP), actuellement au pouvoir en Espagne, ne souhaite pas négocier avec la Catalogne, même si aujourd’hui Mariano Rajoy, le chef du gouvernement, a dit qu’il était prêt à discuter, mais pas sur des questions de souveraineté. Par contre, les autres partis nationaux, les socialistes du PSOE, les libéraux de Ciudadanos ou encore Podemos, l’équivalent de Syriza en Espagne, se sont tous déclarés en faveur de négociations, non pas pour une indépendance, mais pour faire évoluer le statut de région autonome de la Catalogne et lui donner plus de pouvoir, notamment au niveau des finances et peut-être la reconnaître comme « nation intégrée dans l’Etat espagnol ». Il faudra donc attendre la formation du prochain gouvernement en février prochain pour savoir si ce projet est faisable ou non.
Une claque pour le parti au pouvoir
En attendant, deux enseignements peuvent être tirés de ces élections. Le premier, c’est le score, qui dépasse tous les pronostics, du parti libéral de centre droit Ciudadanos, qui a d’ailleurs à sa tête un catalan Albert Rivera. Ce parti qui est en train de s’ancrer dans le paysage politique espagnol devient la première force d’opposition en Catalogne avec 25 sièges. Un score qui laisse augurer un très bon résultat au niveau national lors des prochaines élections générales.
Le deuxième enseignement c'est la débâcle du Parti populaire, le parti qui gouverne l’Espagne en ce moment. Avec moins de 10% de vote, seulement 11 sièges au Parlement catalan, c’est une véritable claque pour ce parti, et ce résultat est en grande partie dû à la montée en puissance de Ciudadanos. Pour beaucoup de gens ici, on estime que ces élections marquent la fin de la carrière politique du chef du gouvernement Mariano Rajoy. Ce n’est peut-être pas tout à fait le cas, car au niveau national le Parti populaire devrait faire un score honorable en décembre prochain. Mais ce résultat est une défaite en soi et pourrait marquer un tournant pour ce parti.