Avec notre correspondante à Londres, Muriel Delcroix
Pour marquer son arrivée à la tête des travaillistes britanniques, Jeremy Corbyn a dénoncé, lors d'une manifestation à Londres organisée le samedi même, la frilosité du gouvernement Cameron en matière d'accueil des réfugiés. Le premier duel entre les deux leaders au Parlement, mercredi, est attendu avec impatience.
Mais M. Corbyn regarde sans doute aussi dans ses propres rangs. C'est à ses troupes qu'il a adressé ses premiers mots après la victoire. « Cette primaire a montré que notre parti, notre mouvement, passionné, démocratique, divers, était uni et déterminé dans la quête d'une société meilleure et juste pour tous », a-t-il déclaré à l'annonce des résultats.
Si les « Corbynistas » sont ravis, à l'image de cette militante pour qui Jeremy Corbyn « dit ce qu'il pense et est resté fidèle à ses idées toutes ces années », la victoire spectaculaire de cet outsider, positionné à la gauche de la gauche, referme cependant la page du « blairisme » au sein du Labour.
Et cela fait grincer bien des dents. Certains regrettent en effet un choix jugé peu réaliste électoralement. « C'est un résultat très inquiétant pour le Parti travailliste, confie un militant. Si on veut gagner en 2020, il faut conquérir des régions qui ont toujours voté conservateur, et je ne pense pas qu'on y arrivera avec Jeremy Corbyn. »
Une élection diversement appréciée dans les journaux britanniques
Au lendemain de ce séisme politique, de nature à faire bouger les plaques, les titres de gauche saluent avec plus ou moins d’enthousiasme la victoire de Jeremy Corbyn. Mais la presse conservatrice prédit déjà des années sombres pour le Labour. Les tabloïds de droite assurent même, non sans une joie féroce, que la mort du Parti travailliste est envisageable : « Bye bye Labour ! », titre ainsi le Sunday Express.
Le Sunday People et le Mail on Sunday surnomment Jeremy Corbyn « le dinosaure gauchiste », ou encore « Terminator ». Ils se réjouissent de le voir planter le dernier clou dans le cercueil du Labour. Moins virulents mais dans la même veine, le Telegraph et le Times estiment que la victoire de Jeremy Corbyn, qu’ils appellent un « saut dans le passé », plonge son parti dans une grave crise.
Ils imaginent une guerre civile au sein de l’appareil du Labour, alors que huit membres du cabinet travailliste ont immédiatement abandonné leur poste. Le Times s’inquiète des dangers potentiels d’un pouvoir sans opposants réels dans le pays : « Sans une opposition forte et efficace, les gouvernements deviennent complaisants, voire corrompus », prévient son éditorial à l’adresse du gouvernement de David Cameron.
Qu'à cela ne tienne, à gauche, The Independent et Mirror célèbrent le raz-de-marée Corbyn, et appellent le Parti travailliste à se rassembler autour de son nouveau leader. The Observer salue, lui, un tremblement de terre historique au sein de la formation travailliste, mais le journal estime que la seule chance pour Jeremy Corbyn de parvenir au pouvoir est d’aller au-delà de la politique de protestation en offrant des solutions progressistes et réalistes aux électeurs du pays.
■ Le Grec Yanis Varoufakis se félicite de cette victoire
L'ancien ministre des Finances grec Yanis Varoufakis, lors de sa visite à la Fête de L'Huma en France, à l'invitation de Jean-Luc Mélenchon, a salué l'élection de Jeremy Corbyn à la tête du Parti travailliste britannique :
« Il me semble que cela a pris très longtemps au Parti travailliste pour arriver à ce principe de base que s’il voulait avoir une raison d’exister, il devait élire quelqu’un comme Jeremy Corbyn. Cet homme est une petite bougie qui éclaire l’obscurité.
Comme nous le savons, les petites bougies peuvent être soufflées et s’éteindre. J’espère qu’il la transformera en une grande source de lumière pour le reste de l’Europe et le monde.
Il a une très grande tâche devant lui. Il dépend des Européens bien intentionnés et humanistes que la petite bougie devienne une grande source d’espoir et de lumière pour toute l’Europe. »