De notre correspondant à Kiev
En politique ukrainienne, les intérêts personnels priment la plupart du temps sur les intérêts de l’Etat, et il semble qu’on peut toujours se permettre le scandale. Valentyn Nalyvaichenko était en poste depuis février 2014, juste après la fin de la « révolution de la dignité ». Il s’était acquitté de sa tâche dans des circonstances très difficiles. Mais ces dernières semaines, il avait multiplié les accusations contre le procureur général adjoint, celui-ci étant soupçonné de dissimuler des éléments dans l’incendie d’une raffinerie de pétrole géante dans le sud de Kiev.
Mais voilà, le procureur général et ses adjoints sont choisis par le président Petro Porochenko. Cela ne s'est donc pas bien passé en haut lieu. La tension est montée rapidement. Valentyn Nalyvaichenko a tenté un baroud d’honneur, en promettant devant les journalistes qu’il viendrait chercher le procureur adjoint avec des forces spéciales s’il le fallait. Il n’en a pas eu le temps, puisqu'il a été démis de ses fonctions par le Parlement le 18 juin, sur proposition du président.
Rivalité politicienne
Valentyn Nalyvaichenko était l'un des derniers dirigeants d’institutions d’Etat à ne pas avoir été nommé avant que Petro Porochenko soit président. Le SBU a une influence très importante en Ukraine. Il fallait donc pour le président s’assurer de son contrôle. En plus de Valentyn Nalyvaichenko, le président a aussi renvoyé quatre hauts dirigeants du SBU. Aujourd’hui, on voit que les candidats potentiels n’ont pas forcément meilleure réputation que l’ancien chef de l’agence, mais ils sont tous fidèles à Petro Porochenko. Cela indique une prise de contrôle assez marquée.
Dans le même temps, toutes les charges contre le procureur général adjoint, lui aussi très controversé, sont abandonnées. Le bureau du procureur, qui a lui aussi été choisi par Petro Porochenko, avalisé par le Parlement, peut donc continuer à travailler comme si de rien n’était.
Corruption
Le problème, c'est que ses résultats sont quasi-nuls. Si encore Petro Porochenko défendait un bureau du procureur dynamique, transparent et efficace, on pourrait croire que Valentyn Nalyvaichenko était allé trop loin. Par exemple, aucun dignitaire de l’ancien régime corrompu et autoritaire n’a été condamné, malgré des preuves censées être accablantes. Alors, Petro Porochenko qui défend une équipe de procureurs incompétents et à la réputation douteuse, notamment à cause d’allégations de corruption, cela soulève de nombreuses questions.
De manière générale, il faut dire que la réforme de la justice est la grande oubliée des progrès réalisés par le gouvernement au cours de l’année passée. Le bureau du procureur, la magistrature, le Code pénal : rien n’a été modifié en profondeur. Il faut dire que l’on est très loin des abus d’avant la révolution. Il y a certes des progrès notables, mais l’incertitude plane. Est-ce que Petro Porochenko et l’exécutif agissent dans leur propre intérêt, ou dans celui de l’Etat ? Les polémiques font rage. Enfin, il faut toujours rappeler que la société civile ukrainienne est impatiente, désireuse de réformes, de progrès, de résultats.