Emigration des Portugais : le Premier ministre accusé d'avoir menti

Au Portugal, une affirmation du Premier ministre soulève l’indignation : il prétend n’avoir jamais incité ses compatriotes à émigrer pendant la crise. Mais sa remarque soulève un tollé de protestations car des enregistrements prouvent le contraire.

De notre correspondante à Lisbonne, Marie-Line Darcy

Pedro Passos Coelho, le chef du gouvernement portugais a été pris en flagrant délit de mensonge. Il prétend en effet n'avoir jamais incité ses compatriotes à émigrer pendant la crise. « Je vous mets au défi, a-t-il dit à des journalistes, de trouver une quelconque déclaration par laquelle j’aurais incité les gens à émigrer ». « Un mythe urbain », affirme alors péremptoire le Premier ministre. Il n’ a pas fallu longtemps pour que les médias et les réseaux sociaux retrouvent la vidéo dans laquelle le Premier ministre déclare que les professeurs qui n’ont pas « d’occupation », peuvent trouver des alternatives dans les pays de langue portugaise. C’était en décembre 2011. Alors, bien sûr le chef du gouvernement n’a jamais dit « partez.. allez chercher ailleurs le travail qu’il n’y a pas ici ». Mais ses propos faisaient suite à des déclarations du même genre prononcées par des ministres et des secrétaires d’Etat. Pedro Passos Coelho n’a à l’époque absolument rien démenti.

Des départs massifs du Portugal

400 000 personnes, peut être plus, ont quitté le Portugal, un pays de 10 millions d’habitants, ces cinq dernières années. Un nombre difficile à déterminer avec exactitude, pour une raison simple : 80 à 85% de ces émigrants lusitaniens ont choisi l’Europe comme première destination. C’est assez logique puiqu'ils peuvent circuler comme ils veulent dans l’Union européenne. Au passage, un mythe est égratigné. Les Portugais ne seraient que 1% à être partis au Brésil et 10% en Angola. Ce ne sont donc pas les pays de langue portugaise qui ont absorbés le plus ce flux migratoire, ce qui contrarie les déclarations du Premier ministre. Un chiffre décrit bien le panorama : en 2014, les Portugais de la diaspora ont renvoyé 3 milliards d’euros dans leur pays. Un record depuis 13 ans. Pour le Premier ministre qui continue à dire qu’il n’a jamais encouragé les départs, c’est plutôt une bonne nouvelle.

Une opinion publique indignée

Pour les Portugais, le Premier ministre est un menteur, doublé d’un cynique. Car ce qui aurait pu être une maladresse, est senti en fait comme une provocation. Car le moment et le lieu choisis par le chef du gouvernement pour parler de ces questions n’étaient pas anodins. Cela s’est passé au Portugal des petits, un parc d’attraction qui reproduit à l’échelle des enfants les lieux emblématiques du pays. C’est Salazar l’autocrate qui a fait construire le parc en 1940, comme symbole de son régime centré sur le nationalisme et l’impérialisme. Salazar, qui parlait des Portugais comme d’enfants qu’il faut dresser et corriger, est aussi à l’origine de la grande vague d’émigration des années 60 et 70. L’amalgame pour l’actuel Premier ministre n’est pas des plus heureux. Et il a eu beau expliquer que le Portugal renouait doucement avec l’emploi, personne n’a vraiment entendu cette partie du discours.

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