Sur la table des négociations : un document de 86 pages, issu d'une semaine de travail à Genève en février dernier, dans le sillage de la COP 20 à Lima fin 2014. Mais les négociateurs des pays engagés ont eu du mal à trouver un terrain d'entente. A ce jour, le texte contient pas moins de 500 options différentes sur les points clés de l'accord-cadre - réduction des émissions de gaz à effet de serre, répartition des efforts entre les pays riches et ceux en voie de développement, financement...
Pendant dix jours à Bonn, il va donc falloir réduire le champ des possibles et se mettre d'accord sur les engagements de chacun. Une étape clé loin d'être gagnée, d'autant que certains pays, parmi les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre, n'ont pas encore précisé la hauteur de leur contribution. C'est le cas notamment de la Chine, de l'Inde et du Brésil. Les discussions vont devoir passer à la vitesse supérieure. Après ces dix jours, il ne restera plus beaucoup de sessions pour négocier le texte avant la COP 21.
Dernières étapes avant la COP
La France veut un pré-accord « dès le mois d'octobre », a prévenu ce lundi le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius en ouverture des débats. « A moins de 200 jours de la COP 21, chaque rendez-vous doit constituer un pas supplémentaire », explique-t-il. « Nous disposons aujourd'hui d'un projet d'accord, mais c'est un texte long et qui, sur plusieurs points, ne choisit pas », considère le ministre.
Laurent Fabius a annoncé que Paris accueillerait deux réunions au niveau ministériel, les 20 et 21 juillet, puis le 7 septembre, pour « permettre d'avancer sur les questions les plus délicates ». Ensuite, pour rappel, la France présidera donc la 21e Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, du 30 novembre au 11 décembre 2015. C'est à cette occasion que les parties prenantes devront adopter définitivement un accord pour remplacer le protocole de Kyoto après 2020.
Thomas Spencer, chercheur à l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), suit de près la progression des débats en vue de la COP 21 à Paris. Pour RFI, il fait le point, interrogé par Sophie Malibeaux.
RFI : A Genève, les dernières négociations étaient plutôt consensuelles. Cette fois-ci, les tensions semblent commencer à émerger. Quels sont les dossiers les plus sensibles ?
Thomas Spencer : En premier lieu, il y a ce que l’on appelle dans les négociations la « différenciation », c'est-à-dire simplement comment est-ce qu’on va tenir compte des circonstances différentes des pays à niveau de développement différent, en ce qui concerne les obligations qu’ils vont prendre dans l’accord ? Ça, c’est le premier dossier difficile. Le deuxième, c’est l’enjeu du financement, c'est-à-dire le soutien financier aux pays les plus vulnérables, les pays les plus pauvres.
Le troisième dossier difficile, c’est la forme juridique de l’accord de Paris. Est-ce que ça va être un accord contraignant, etc. ? Et le quatrième dossier, c’est de s'assurer que l’accord de Paris soit le plus dynamique et durable possible. C'est-à-dire un accord qui va s’inscrire dans la durée, qui va permettre, au fur et à mesure de la mise en œuvre de cet accord, d’augmenter le niveau d’ambition de l’action des pays.
Concernant le dossier du financement, on sait que c’est un petit peu le nerf de la guerre et qu'il s'agit d'une grosse préoccupation, notamment pour les pays en développement, les pays les plus pauvres. Où se situe la ligne de fracture ?
En 2009, au sommet de Copenhague, les pays développés ont pris un engagement : mobiliser 100 milliards de dollars d’ici 2020 pour l’action climatique dans les pays en développement. Aujourd’hui, on est à 40 ou 50 milliards de dollars. Donc, c’est clair, il faut un effort de plus pour arriver à cet objectif, dans un contexte budgétaire très, très difficile. Pour résoudre ce problème, il faut, côté pays développés, un effort budgétaire de plus. Et pour les pays en développement, il faut reconnaître que l’argent du secteur privé, par exemple, peut être comptabilisé pour atteindre ces 100 milliards.
Il y a aussi l'exigence, concernant les pays en développement, que ces fonds alloués à la lutte contre le réchauffement climatique ne soient pas finalement les mêmes qui étaient déjà engagés, déjà promis au regard de l’aide au développement...
Tout à fait. Politiquement, c’est une exigence qu’on peut tout à fait comprendre. Techniquement, c’est un peu plus difficile, un peu plus compliqué, parce qu’on voit que sur le terrain, les enjeux du changement climatique et les enjeux du développement sont complètement liés. Quand il s’agit d’un projet d’infrastructure ou d'un projet énergétique, il faut tenir compte du changement climatique.
Donc, pour résoudre ce problème, il faut un accord politique entre les pays développés et les pays en développement, qui consiste en un effort budgétaire supplémentaire des pays développés, et la reconnaissance parmi les pays en développement que les enjeux du développement et l’enjeu du climat - du changement climatique - sont complètement liés.