Attentats à Copenhague: les caricaturistes à nouveau visés

Très vite samedi soir après l’attentat au Centre culturel de Copenhague, il a été indiqué que c'est l'artiste suédois, Lars Vilks, qui était visé mais il est indemne. Un homme qui inscrivait justement sa démarche artistique dans la provocation. En 2007, il a représenté le prophète de l'islam avec un corps de chien. Il y a donc un lien avec ces fameuses caricatures du prophète Mahomet. Analyse de Guillaume Doizy, spécialiste des caricatures, et en particulier de la relation entre caricature et religion.

■ Quelles similitudes avec l'attentat contre Charlie Hebdo ?

« Il faut rappeler qu’en France, juste après la publication du numéro de Charlie Hebdo, suite aux attentats, le nouveau directeur, le dessinateur Riss, a de nouveau fait l’objet de menaces de mort et donc, vit lui aussi avec cette épée de Damoclès sur la tête. Certains journaux ont présenté Lars Vilks comme le "Charb local", mais je crois qu’il faut quand même faire une petite différence. C’est un artiste qui, depuis des dizaines d’années manie la provocation. Il est vrai qu’il avait représenté Mahomet en chien, c’était un peu exceptionnel chez lui, puisqu’il ne pratique pas la caricature dans la presse comme le faisait Charb. Mais, de toute façon pour les islamistes, toute personne qui soit représente Mahomet, soit caricature Mahomet, c’est insupportable et ça vaut menace de mort. »

 Caricatures et liberté

« En Europe, des attentats il y en a eu beaucoup et ils ne viennent pas que du côté des islamistes. En 2011, Breivik qui se réclamait de l’extrême droite avait fait quand même 70 morts. Je crois qu’il ne faut pas résumer aujourd’hui la question de la liberté d’expression et de la censure aux seuls attentats des islamistes. Bien sûr que dans tout un tas de dictatures dans le monde, le dessin de presse et les journalistes sont sous une très étroite surveillance, parfois même molestés, parfois tués. Il faut prendre aussi un peu de recul et dire que dans les démocraties la liberté n’est pas totale, elle a un autre visage, elle est beaucoup plus discrète, mais plus d’ordre économique, et la question est surtout l’accès pour les dessinateurs aux très grands médias. »

■ Dessin de presse : l'exemple des Etats-Unis

« Dans les années 70 quasiment tous les grands journaux quotidiens avaient leurs dessinateurs maison qui étaient salariés. Aujourd’hui, ils en restent quelques dizaines et pourtant tous les journaux continuent à publier des dessins, mais ils en passent par ce qu’on appelle des "syndicates", des regroupements de dessinateurs. Là, le rédacteur en chef fait son marché. Chaque jour, le "syndicate" propose des dizaines de dessins sur un même sujet et le rédacteur en chef va prendre exactement le ton qui lui plaît, le sujet évidemment qui lui plaît, mais n’a plus ce conflit possible avec le dessinateur maison et cette espèce de contradiction entre l’opinion du journal, qui veut faire attention à ses lecteurs, qui doit faire attention à ses annonceurs... et évidemment l’opinion personnelle du dessinateur. »

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