Si la réforme de la Curie passe par des décisions techniques, notamment l’allègement d’une machine vaticane sclérosée par les ans et trop longtemps laissée à elle-même sans un vrai patron, et où la tentation de se tailler et de conserver ses privilèges était grande, c’est davantage sur l’esprit de cette réforme qu’il faut se pencher. Une réforme qui a commencé en réalité dès l’élection du pape François quand celui-ci s’installe à la Maison Ste Marthe et non dans les appartements pontificaux. Là, le pape jésuite venu du Sud met un terme de façon symbolique à l’image monarchique de la papauté et nécessairement ceux qui en tiraient avantage pour leur carrière ne peuvent voir d’un bon œil cette nouvelle façon d’occuper le siège de Pierre. Désormais pour le père François Euvé, rédacteur en chef de la revue jésuite Etudes, la curie sera au service de l’Eglise et non l’inverse. Finis les plans de carrière à Rome, les prêtres viendront pour un temps court.
Le carriérisme, la bête noire du pape François
Le pape François a violemment dénoncé le carriérisme, le 22 décembre, dans ses vœux à la Curie en se livrant à un réquisitoire au vitriol dressant la liste des 15 maladies qui minent ce grand corps malade : « l’Alzheimer spirituel », « l’exhibitionnisme mondain », les rivalités, les ragots, la calomnie etc. Aussi, comme le souligne Jean -Marie Guénois du Figaro et auteur du livre Jusqu’où ira François ? (JC Lattès) ça n’est pas tant la réforme de la Curie que la façon tranchante du pape François d’exercer son autorité qui soulève des résistances sévères chez les cardinaux qui considèrent aussi qu’il aurait été plus adéquat de laver le linge sale en famille plutôt que de le porter sur la place publique. Et puis il y eut le premier volet à l’automne du synode sur la famille, avec l’ébauche d’approches nouvelles sur les divorcés - remariés et l’homosexualité. Et c’est là que les divergences ont été mises au grand jour, certains cardinaux exprimant leurs vifs désaccords sur la possibilité d’une évolution de l’Eglise sur ces questions de société.
Mise au point
Si le pape François peut s’appuyer sur son premier cercle, celui des cardinaux du C9 chargés de l’assister dans ce grand chantier de la réforme de la Curie, il a non seulement des opposants sévères mais parmi les cardinaux qui ont voté pour lui, certains commenceraient à douter de la pertinence de leur geste du 13 mars 2013 dans la chapelle Sixtine. C’est en tout cas ce qu’a entendu de la bouche de cardinaux le vaticaniste italien Marco Politi auteur du livre François parmi les loups (Philippe Rey).
Mais ce consistoire qui se tient à partir de ce jeudi matin devrait permettre une mise au point entre le pape et les cardinaux sur cette réforme de la Curie, et plus globalement sur la révolution en cours au Vatican qui a le mérite de réveiller la pratique du débat au sein d’une Eglise qui, depuis Vatican II, en avait oublié et le goût et la saveur.